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Frein à l’innovation

Offensive parlementaire contre le principe de précaution

Par Afsané Sabouhi

Inscrit dans le Préambule de la Constitution, le principe de précaution entrave l’innovation en santé, dénoncent plusieurs députés UMP qui tentent de faire machine arrière.  

VINCENT WARTNER/20 MINUTE/SIPA

Des milliers de doses de vaccins gaspillées en prévention d'une hypothétique épidémie de grippe H1N1, une recherche en biogénétique végétale sacrifiée de peur de voir se disséminer des OGM en plein champ... Un principe d’inaction, un parapluie bien utile pour les politiques face au désaveu de l’opinion publique, le principe de précaution en a pris pour son grade vendredi et samedi à Chamonix. Bon nombre de personnalités du monde de la santé y étaient réunies à l’occasion de la convention CHAM 2013 dont le thème était : L’innovation en santé, pourquoi toutes ces peurs ? « Le principe de précaution est en dérapage incontrôlé. Désormais, il sert à surfer sur les peurs », a souligné Bernard Accoyer, député UMP de Haute-Savoie. Avec une vingtaine d’autres parlementaires UMP, il a donc co-signé en juillet dernier une proposition de loi d’Eric Woerth visant à retirer au principe de précaution sa portée constitutionnelle. « Faut-il rappeler que pour être compétitif, il est nécessaire d’avancer pour innover et que c’est souvent en s’engageant sur des voies que certains estiment folles et déraisonnées que se font les découvertes ? (…)La société doit pouvoir oser, innover et progresser. Elle ne doit pas avoir à choisir entre principe de précaution et progrès, entre principe de précaution et compétitivité. (…) Oui donc au principe de précaution, mais non à sa consécration constitutionnelle, car empêcher ne doit pas être plus facile que progresser. », écrit Eric Woerth dans cette proposition de loi, notamment co-signée par plusieurs membres du gouvernement précédent comme François Fillon, Laurent Wauquiez, Luc Chatel et Benoît Apparu.

Ecoutez Jean-Pierre Door, député UMP du Loiret et co-signataire de cette proposition de loi : « Pour libérer la croissance, il faut déconstitutionnaliser le principe de précaution, qui est un frein extraordinaire à notre compétitivité ».

 

 

Nicolas Hulot convainc Jacques Chirac
L’ancien président de l’Assemblée nationale, le Dr Bernard Accoyer, a raconté comment en 2005 Nicolas Hulot avait réussi à convaincre Jacques Chirac d’inscrire le principe de précaution dans le préambule de la Constitution, contre l’avis de bon nombre des parlementaires UMP. « La force de conviction de Jacques Chirac l’a emporté sur nos doutes. Mais aujourd’hui force est de constater que c’était une grossière erreur », a-t-il reconnu, très applaudi par les décideurs du monde de la santé qui assistaient à cette table-ronde de CHAM.


Frein à l’audace des chercheurs, entraves intellectuelles et administratives à l’innovation, surcoûts industriels liés aux procédures règlementaires, les détracteurs du principe de précaution sont visiblement nombreux dans le domaine de la santé, d'atant qu'il n'a pas évité les crises récentes. « Evidemment que le politique a à exercer son devoir de précaution et à protéger les citoyens, mais quand dans une société ou dans une vie personnelle, vous mettez en préambule la précaution, vous ne faites plus rien. Il faut sortir notre pays de cet étranglement par la peur ! », a renchéri le romancier et Académicien Erik Orsenna, animateur de la table-ronde.

Ecoutez Jean-Pierre Door : « Déconstitutionnaliser, ce n’est pas supprimer le principe de précaution, c’est l’assouplir pour éviter d’être dans cette situation de blocage ».


La proposition de loi UMP a été déposée le 10 juillet dernier auprès de la Commission des lois constitutionnelles mais de l’aveu même de Jean-Pierre Door et de Bernard Accoyer, ses chances d’obtenir le soutien de plus des 2/3 des parlementaires, députés et sénateurs, pour aboutir sont minimes. Une pétition de soutien devrait être lancée prochainement par le chirurgien-urologue Guy Vallancien, organisateur de la convention CHAM.

Passer par une loi d'application, plutôt qu'espérer toucher à la Constitution

A défaut de parvenir à déconstitutionnaliser le principe de précaution, Bernard Accoyer envisage de l’assouplir à travers une loi d’application qui encadrerait davantage le recours à ce principe. Pour obtenir une majorité de soutiens, l’ancien président de l’Assemblée nationale va chercher à rallier à sa cause des parlementaires de droite et de gauche mais aussi les Académies scientifiques pour « démontrer que cette question est bien au-dessus des intérêts partisans ». Pas sûr toutefois, qu'il réussisse à convaincre les élus verts ni même Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteuse parlementaire en 2005 du texte d'inscription du principe de précaution dans la Constitution.