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Virus bactériophague

Antibiorésistance : quand les virus aident à tuer… les bactéries

Par Charlotte Arce

Face à la menace que constituent les bactéries résistantes aux traitements antibiotiques, les chercheurs misent désormais sur les virus bactériophage pour les éliminer.

Dr_Microbe/iStock
Des chercheurs ont identifié un virus bactériophage appelé "Muddy" qui détruit Mycobacterium abscessus, un agent pathogène particulièrement dangereux pour les personnes atteintes de mucoviscidose.
Testé sur des poissons zèbres, Muddy a montré des résultats concluants, diminuant la gravité de l'infection et nombre d'abcès pulmonaires, et augmentant à 40 % le taux de survie.
Mais son efficacité est encore optimisé lorsqu'il est combiné à l'antibiotique rifabutine : le taux de survie des poissons est alors passé à 70 %.

C’est une menace qui plane, contre laquelle l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) tente d’alerter depuis plusieurs années : l’aggravation de l’antibiorésistance de bactéries pathogènes qui pourraient causer dans les années à venir de nouvelles pandémies. "Nous voyons que cela se propage et nous sommes à court d’antibiotiques efficaces contre ces bactéries résistantes", s’inquiétait ainsi en janvier 2020 Peter Beyer, du Département des Médicaments essentiels de l’agence sanitaire rattachée à l’ONU.

Parmi ces bactéries dangereuses, se trouve Mycobacterium abscessus. Apparentée à celles qui causent la tuberculose et la lèpre, cette bactérie est responsable de dommages particulièrement graves aux poumons humains et peut être résistante à de nombreux antibiotiques standard, rendant les infections extrêmement difficiles à traiter.

Mais tout n’est pas perdu. Dans un article publié dans la revue Disease Models & Mechanisms, des chercheurs de l’université de Montpellier et de l’université de Pittsburgh, aux États-Unis, mettent en lumière les effets bactériophages d’une nouvelle thérapie combinée, composée d’un virus et d’un antibiotique et qui serait particulièrement efficace contre les infections à M. abscessus.

Muddy, un virus tueur de bactéries

Dans un premier temps, l'équipe de Pittsburgh avait identifié un bactériophage sur 10 000, appelé "Muddy", qui tue efficacement les bactéries dans une boîte de Pétri et qui pourrait être un candidat pour le traitement de ces infections chez l'humain. Cependant, l'équipe souhaitait trouver une alternative pour tester sa nouvelle thérapie chez les patients, et notamment ceux atteints de mucoviscidose, qui sont particulièrement vulnérables aux infections à M. abscessus.

Ils ont donc testé leur nouvelle thérapie combinée auprès de poissons zèbres porteurs de la mutation génétique à l’origine de la mucoviscidose. Les poissons zèbres ont été infectés avec une forme de M. abscessus résistante aux antibiotiques provenant d'un patient atteint de mucoviscidose.

À l’issue des 12 jours de surveillance, les scientifiques ont constaté que les poissons zèbres génétiquement modifiés mais qui n’avaient pas reçu de traitement combiné développaient de graves infections avec des abcès. Seuls 20 % ont survécu. En revanche, chez les poissons infectés après injection du bactériophage Muddy, les infections se sont avérées beaucoup moins grave. Ils présentaient par ailleurs moins d’abcès et avaient un taux de survie plus élevé, de 40 %.

Un taux de survie à 70 % grâce au traitement combiné

La deuxième étape des travaux a consisté à chercher un antibiotique à associer à Muddy. Les chercheurs ont alors découvert que la rifabutine pouvait traiter l'infection à M. abscessus aussi efficacement que le bactériophage seul. Après avoir identifié la rifabutine, l’équipe française dirigée par le Pr Laurent Kremer ont traité les poissons infectés pendant 5 jours avec l'antibiotique et le bactériophage. Grâce à ce traitement combiné, les infections des poissons ont été beaucoup moins graves, leur taux de survie des poissons a grimpé à 70 % et ils ont souffert de beaucoup moins d'abcès. Il s'agit d'une amélioration spectaculaire par rapport aux poissons traités uniquement avec l'antibiotique, dont le taux de survie était de 40 %.

Désormais, les auteurs de l’étude espèrent pouvoir utiliser ce traitement chez des patients atteints de mucoviscidose et infectés par M. abscessus. "Nous avons besoin d'essais cliniques, mais il faudra répondre à de nombreuses autres questions sur notre chemin [...] et le poisson zèbre constitue un outil très utile pour faire avancer ces questions", affirme Graham Hatfull de l'Université de Pittsburgh.