ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Pourquoi les vaches et les moutons ne transmettent jamais de virus dangereux à l’humain

Adaptation immunitaire

Pourquoi les vaches et les moutons ne transmettent jamais de virus dangereux à l’humain

Par Charlotte Arce

Selon une nouvelle étude, c’est au Néolithique que le système immunitaire des humains s’est adapté pour survivre aux maladies infectieuses causées par les animaux d’élevage.

SW_Photo/iStock
Si aujourd'hui, les éleveurs ne tombent pas malades au contact des animaux comme les vaches et les cochons, ça n'a pas toujours été le cas.
En utilisant des séquences ADN de 827 restes humains provenant de la Préhistoire, les chercheurs ont constaté que les premiers éleveurs mouraient souvent d'infections zoonotiques en raison de l'orage cytokinique que déclenchait l'infection.
Il y a toutefois eu une adaptation du sytème immunitaire des humains, puisque seuls les gènes ayant survécu à l'infection et à la réponse inflammatoire ont été transmis aux générations suivantes.

Selon l'Organisation mondiale de la santé animale, 60 % des maladies infectieuses humaines sont zoonotiques. C’est-à-dire qu’elles sont transmises des animaux vertébrés à l’humain, et vice versa. Le cas le plus récent est sûrement le SARS-CoV-2, qui pourrait avoir été transmis lors d’un contact avec un animal, soit indirectement par voie alimentaire.

Mais si les chauve-souris, les pangolins ou encore les moustiques et les tiques sont capables de nous transmettre des maladies pathogènes, comment se fait-il que les animaux d’élevage, comme les vaches, les moutons ou les cochons, ne soient pas eux aussi des vecteurs de maladie ? La réponse se trouve… dans notre immunité.

C’est ce montre une nouvelle étude publiée dans eLife et repérée par Futura. Menée par une équipe internationale de recherche, elle montre comment le système immunitaire des humains du Néolithique s’est adapté grâce à la sélection naturelle pour contrer les virus pathogènes.

Une réponse immunitaire qui a évolué à travers les millénaires

Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont commencé par analyser les mécanismes génétiques d’adaptation des réponses immunitaires. Ils ont pour cela prélevé 500 échantillons de sang provenant de la Biobanque du Functional Genomics Project (HFGP) de Nimègue, aux Pays-Bas. Ces échantillons ont ensuite été mis à l’épreuve de différents virus afin de pouvoir mesurer leur taux de cytokines, des protéines polypeptidiques qui servent de messagers en cas d’infection. Ce niveau de cytokines a ensuite été confronté à la réponse de différents gènes afin de calculer un "score de risque polygénique", qui permet de mesurer la force de leur réponse immunitaire.

L’autre partie de leurs travaux a ensuite consisté à transposer ces résultats sur le système immunitaire des humains du Néolithique. Dernière période de la Préhistoire qui s’étend entre 7 000 et 2 000 ans avant J.-C. suivant les régions du monde, elle se caractérise par l’apparition de l’agriculture et de l’élevage, et donc par la sédentarisation des populations.

Pour comprendre comment réagissait le système immunitaire des humains préhistoriques face aux agents pathogènes, les chercheurs ont utilisé d’anciennes séquences ADN de 827 restes humains provenant de toute l’Europe et vieilles de 45 000 à 2 000 ans. Ces séquences génétiques ont permis d’établir un score de risque polygénique. Ils ont alors constaté que les humains pratiquant l’élevage avaient un score de risque moins élevé que ceux pratiquant la chasse et la cueillette aux époques précédentes.

L’orage cytokinique, mortel pour les premiers éleveurs du Néolithique

Pour Mihai Netea, médecin spécialisé dans les maladies infectieuses, l'immunologie et la santé mondiale au centre médical de l'université Radboud de Nimègue, cela s’explique par la probabilité que les premiers éleveurs du Néolithiques aient été victimes d’un "orage cytokinique", une violente réponse inflammatoire du système immunitaire. En cas d’infection, il arrive que le système immunitaire "s’emballe" en sécrétant un nombre trop important de cytokines, qui créent alors des lésions dans les tissus. Dans le cas des premiers éleveurs, cette réponse immunitaire inadaptée s’est avérée fatale. "Lorsque les premiers agriculteurs ont rencontré de nouveaux agents pathogènes pour la première fois, certains ont réagi de manière excessive et sont morts, comme nous le voyons avec la Covid aujourd'hui", explique le Pr Netea.

Les résultats de l’étude tablent donc sur une "sélection naturelle" grâce aux gènes : les porteurs de gènes produisant une réponse inflammatoire moins importante sont ceux qui ont survécu et ont eu des descendants. Ces derniers sont peu à peu devenus immunisés contre ces infections.