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Sérothérapie

Covid-19 : une patiente immunodéficiente guérie grâce à du plasma convalescent

Par Charlotte Arce

Autorisée en urgence en août dernier aux États-Unis contre la Covid-19, la transfusion de plasma sanguin convalescent a permis de guérir une patiente de 72 ans immunodéprimée. Un cas rare qui s'explique par un titre extrêmement élevé d'anticorps neutralisants dans le plasma qu'elle a reçu.

Kalinovskiy/iStock
La patiente de 72 ans, atteinte d'une leucémie lymphocytaire chronique, s'est vue administrer du plasma sanguin de son gendre, ce qui lui a permis de guérir en un temps record.
Le plasma qu'elle a reçu présentait un titre extrêmement élevé de de 5 720 anticorps neutralisants, ce qui est rarement le cas des autres plasmas testés, comme le montrent les travaux des chercheurs.

En août dernier, la Food and Drug Administration (FDA), l’agence sanitaire des États-Unis, autorisait en urgence la transfusion aux patients hospitalisés dans un état grave du plasma sanguin provenant de personnes ayant guéri de la Covid-19.

Un traitement alternatif que l’ancien président américain Donald Trump qualifiait alors de "percée historique", mais dont certains chercheurs avaient depuis montré les limites.

Cette sérothérapie a néanmoins réussi à sauver une femme de 72 ans. Hospitalisée en raison d’une forme grave de Covid-19 33 jours après l’apparition des symptômes, elle souffrait d’une pneumonie grave et avait un risque élevé de décès en raison d'une leucémie lymphocytaire chronique, qui compromet la production normale d'immunoglobulines, des anticorps indispensables pour que notre organisme combatte le nouveau coronavirus.

Des médecins de l’université d’Alabama à Birmingham (UAB) ont procédé à une transfusion par intraveineuse de plasma sanguin de son gendre, guéri de la Covid-19. Elle a alors montré une amélioration "rapide et profonde en 48 heures" selon son médecin à l’UAB, le Dr Randall Davis. Sa fièvre, constante à 40°C a rapidement chuté, le virus n’était plus détectable dans ses prélèvements respiratoires au troisième jour. Elle a pu rentrer chez elle quatre jours après la perfusion.

Un cas extrêmement rare

Si ces résultats sont encourageants, ils sont à nuancer, précisent les chercheurs, qui les détaillent dans Cell Reports Medicine. Selon eux, le rétablissement de la femme est dû à un titre extrêmement élevé de neutralisation du virus dans le plasma de son gendre qu'elle a reçu en intraveineuse. Ils ont ainsi découvert que ce titre d’anticorps neutralisants y était plus élevé que ceux mesurés dans 64 autres plasmas convalescents collectés par deux banques de sang.

Seuls 37 % des plasmas de convalescents de la première banque de sang avaient des titres d'anticorps neutralisants supérieurs à 250, la valeur limite inférieure autorisée par l'autorisation d'utilisation d'urgence de la Food and Drug Administration pour le plasma de patients convalescents. Dans les plasmas provenant de la deuxième banque de sang, seuls 47 % dépassaient le seuil de 250 pour les anticorps neutralisants. Ainsi, beaucoup de ces plasmas étaient inadéquats pour la transfusion.

Dans le cas du plasma administré à la patiente immunodéficiente guérie, celui-ci présentait un titre extrêmement élevé de de 5 720 anticorps neutralisants.

Un traitement qui n’a rien de miraculeux

Pour mieux comprendre l’effet du plasma convalescent sur les titres d’anticorps neutralisants, les chercheurs ont également analysé les titres plasmatiques de 17 autres patients, avant et après qu'ils ont reçu du plasma de convalescent en guise de traitement contre la Covid-19. Avant la perfusion de plasma, 53 % de ces patients avaient déjà des taux d'anticorps neutralisants supérieurs à 250, et sept d'entre eux avaient des titres supérieurs à 3 000.

Pour les 16 patients que les chercheurs ont pu analyser, la perfusion de plasma de convalescent n'a pas eu d'impact significatif sur leurs titres d'anticorps neutralisants préexistants, et beaucoup des receveurs ont eu des réponses d'anticorps neutralisants endogènes qui ont largement dépassé celles des unités de plasma convalescent administrées.

"Les personnes convalescentes présentant des anticorps neutralisants à titre vraiment élevé sont rares, ce qui souligne la nécessité d'un effort concerté pour les identifier mais pose également la question de savoir s'il existe un nombre suffisant de donneurs de plasma convalescents appropriés", écrivent les chercheurs. Ils précisent par ailleurs que la sérothérapie n’est en rien un traitement "miracle" contre la Covid-19, la plupart des donneurs présentant des titres d'anticorps neutralisants généralement faibles. De plus, précisent-ils, "les titres d'anticorps neutralisants de base élevés chez de nombreux receveurs soulignent l'importance de tester d'abord les plasmas de convalescence, et aussi les receveurs". "Cela devrait optimiser le bénéfice clinique et réduire l'effort nécessaire lorsque la thérapie par plasma en convalescence n'est pas appropriée", concluent-ils.