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Adermatoglyphie

A l'heure de la biométrie, comment vivre sans empreintes digitales ?

Par Jean-Guillaume Bayard

En Inde, une famille entière est atteinte d’adermatoglyphie, une maladie génétique rare qui se matérialise par l’absence d’empreinte digitale sur les doigts et les pieds. Une pathologie qui constitue un handicap social.

vchal/iStock
Avec le développement de la biométrie, l'absence d'empreintes digitales constitue un problème dans la vie de tous les jours.
Les mains des personnes atteintes d'adermatoglyphie n'ont pas de crêtes épidermiques et un nombre réduit de glandes sudoripares et donc des mains plus sèches.

Tout a commencé en 2007 quand une femme suisse a été refoulée à la frontière américaine faute d’empreinte digitale. Pathologie rare, l’adermatoglyphie est devenue problématique à l’heure où les empreintes digitales sont utilisées pour de plus en plus d’opérations, des papiers d’identité au déverrouillage des téléphones. Récemment, la BBC a relaté l’histoire d’une famille du Bangladesh dont tous les hommes semblent partager cette même mutation génétique qui conduit à ne plus avoir d’empreintes digitales.

Des difficultés administratives 

Installés dans un village du district nord de Rajshahi, les plus jeunes de la famille sont les premiers à ressentir les effets de ce phénomène génétique. “Je ne pense pas qu’il n’ait jamais pensé que c'était un problème”, a déclaré Apu Sarker, 22 ans, à propos de son grand-père. Son père, Amal est le premier à avoir ressenti les conséquences de cette pathologie. Sur sa carte d’identité, il est inscrit “pas d’empreinte” et il lui a fallu s’y reprendre à plusieurs fois et s’accompagner d’un certificat d'une commission médicale pour obtenir un passeport mais il a concédé ne l’avoir jamais utilisé, par peur de se faire recaler à l’aéroport. Plus problématique, il n’a jamais pu obtenir de permis de conduire. “J'ai payé les frais, j'ai réussi l'examen, mais ils n'ont pas délivré de licence parce que je ne pouvais pas fournir d'empreintes digitales”, a-t-il témoigné.

Pour Apu Sparker, il est difficile d’avoir un téléphone portable fonctionnel depuis que le gouvernement a rendu obligatoire en 2016 la prise d’empreintes digitales pour l’obtention d’une carte SIM. “Ils semblaient confus lorsque je suis allé acheter un Sim, leur logiciel se figeait à chaque fois que je posais le doigt sur le capteur”, se souvient-il. Finalement, l’achat leur a été refusé et tous les membres masculins de la famille ont une carte SIM au nom de sa mère.

Le gène en cause identifié

Concrètement, les doigts des personnes atteintes d’adermatoglyphie se présentent comme des coussinets plats et ont un nombre réduit de glandes sudoripares dans les mains qui amène un assèchement de la peau. Les mains et les pieds des personnes atteintes sont dépourvus de crêtes épidermiques. Les cas recensés de cette maladie sont très rares et il existe peu d’études qui permettent de mieux la comprendre. En 2011, le Journal of the American Academy of Dermatology a publié une recherche qui a mis en évidence un gène, le SMARCAD1, qui semble altérer chez les personnes atteintes d’adermatoglyphie. Cette altération empêche le gène de coder la protéine entraînant le fœtus à ne développer aucun dessin sur les doigts alors que les empreintes digitales se forment entre la 16e et la 25e semaine de grossesse.

Peter Itin, le dermatologue suisse à l’origine de la découverte de l’adermatoglyphie, l’a renommée “maladie du retard d'immigration”, en souvenir de la patiente suisse qui s’est faite recaler à la frontière américaine. “Je suis fatigué d'expliquer la situation encore et encore, a concédé Apu Sarker. J'ai demandé conseil à de nombreuses personnes, mais aucune d'entre elles n'a pu me donner de réponse définitive. Quelqu'un a suggéré que j'aille au tribunal. Si toutes les options échouent, alors c'est ce que je pourrais avoir à faire.”