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L'entretien de la semaine

Dr Luc Duquesnel, médecin généraliste : “Il faudrait mettre en place des agents d'hygiène”

Par Thierry Borsa

Pour le Dr Luc Duquesnel, médecin généraliste en Mayenne et président de la branche "généralistes" de la CSMF (Confédération des Syndicats Médicaux Français), la deuxième vague de l'épidémie de Covid-19 ne s'accompagne pas suffisamment de mesures de prévention permettant d'éviter une troisième vague. Il s'en explique pour Pourquoi Docteur.

Radila Radilova/iStock.com

- Pourquoi Docteur : Alors que nous vivons une deuxième vague et un nouveau confinement, vous dénoncez l’absence de pédagogie. Les mesures prises par le gouvernement ne vous semblent pas suffisantes ?

Dr Luc Duquesnel : On se gargarise parce qu’on est le pays où l’on fait le plus de tests. J’ai envie de dire « et alors ? ». On va se faite tester comme on va acheter sa baguette et cela ne va pas empêcher certains qui sont asymptomatiques et qui risquent d’être négatifs avec les nouveaux tests antigéniques d’aller contaminer papy et mamy !

On a loupé le déconfinement de la première vague pour se retrouver dans la situation d’aujourd’hui : on n’a pas appris aux gens à vivre avec le virus. Tout le monde vit cette crise, et encore plus depuis le reconfinement, comme une période de contrainte, et on n’attend qu’une chose, c’est que l’on ouvre les portes de l’écurie pour pouvoir bondir dehors !

Plutôt qu’insister sur des mesures négatives, l’enjeu devrait être aujourd’hui de préparer le déconfinement et de ne pas se louper comme la dernière fois. Comme on est partis, on ira tout droit vers une troisième vague !

- Mais alors, que faudrait-il faire pour l’éviter, cette troisème vague ?

Dr L.D. : Il faudrait être plus pédagogue sur l’hygiène et la prévention, avoir des messages positifs, prendre des mesures incitatives sur comment on apprend à vivre avec la Covid. Mais on n’est pas dans un pays où la prévention a une place importante dans notre système de santé. Et on paie cela au prix fort.

- Ces mesures de prévention, c’est à qui de rappeler leur importance ?

Dr L.D. : Les acteurs de la prévention, c’est qui ? Déjà les professionnels de santé libéraux, les médecins, les pharmaciens, les infirmiers et tous les acteurs de terrain. Le gouvernement a rappelé leur rôle central dans cette crise sanitaire. Mis on va faire des tests alors que des mesures d’hygiène élémentaires ne sont pas prises ! Les professionnels de santé sont très écoutés par les Français. Nous sommes très mauvais sur la pédagogie en ne s’appuyant pas assez sur eux. Et puis il faut aussi s'appuyer sur les collectivités locales qui ont des initiatives à prendre : il faudrait mettre en place des agents d’hygiène à où il y a du passage, de l’affluence, cela permettrait par ailleurs de créer des emplois !

Chez moi, en Mayenne, des choses sont faites : par exemple, ici, le maire a aménagé le marché. Les gens font la queue, respectent la distanciation mais au final c’est très positif parce qu’on va quand même faire son marché, et il y a des agents qui rappellent les mesures à respecter. Cela c’est de de la prévention positive alors qu’on est trop souvent dans de la prévention négative, les interdictions, les sanctions … On ne s’en sortira pas comme cela ! Si on travaille sur des mesures de prévention, il n’y aura pas de troisième vague et pas de troisième confinement !

- A l’approche des fêtes de fin d’année, comment peut-on espérer les vivre sans trop de contraintes et sans risquer une reprise des contaminations ?

Dr L.D. : Il suffit de prendre des précautions si on a des personnes à la maison : des mesures toutes bêtes, désinfecter les poignées de portes, ne pas trop s’approcher des personnes âgées, peut-être effectivement se tester si on pense que l’on peut être contaminant … Au lieu de cela, on ferme les Ehpad pour que l’on n’aille pas voir nos aînés !