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Plus d'un Français sur deux souffre du bruit au travail

Par Amanda Breuer-Rivera

Les effets délétères d'une surexposition au bruit sur la santé des travailleurs sont bien réels. Lors d'une enquête de l'Ifop, 53% des actifs se sont dits “gênés” par le bruit, qui touche particulièrement les télétravailleurs réguliers (66%).

Fizkes/iStock
Selon une étude commandée par l'association Journée nationale de l'audition, 53% des actifs sont gênés par le bruit au travail. Les télétravailleurs réguliers sont nettement plus sensibles au bruit que leurs collègues.
La principale soucre de bruit pointée est celui venant de l'extérieur des locaux (38%), suivie de celui du matériel utilisé (31%).
Parmi les personnes gênées par le bruit au travail : 84% notent que cela change leur comportement (stress, agressivité, lassitude, fatigue), 73% que cela abaisse la qualité de leur travail (lenteur, manque de concentration) et 65% se plaignent même de l'apparition de troubles auditifs.

Les nuisances sonores perturbent toujours une majorité d'actif en France, rappelle l'association Journée nationale de l'audition (JNA). C'est le résultat de son enquête annuelle sur la santé auditive au travail, réalisée par l'Ifop sur un échantillon de 1 064 personnes représentatives de la population active française selon la méthode des quotas via un questionnaire en ligne entre le 11 et le 14 septembre dernier. Ainsi, 53% des actifs interrogés affirment être “souvent” (18%) ou de temps en temps (35%) gênés par le bruit ou les nuisances sonores. Un chiffre en légère diminution par rapport aux deux précédentes enquêtes de 2019 (59%) et 2018 (59%). “Ce constat peut s'expliquer en partie par la crise sanitaire du Covid-19 qui a pu inciter les Français à se concentrer sur des menaces de santé à plus court terme, atténue l'association. En outre, l'intensité de cette baisse est limitée dans la mesure où la proportion de répondants qui se déclarent gênés ‘souvent’ est relativement stable par rapport à 2019 (-1 point), la baisse de la gêne étant portée par les personnes qui la ressentent ‘de temps en temps’ (-5 points)."

Spécificité de l'année 2020, l'irruption du télétravail dans la vie des actifs fait évoluer cette perception du bruit, et pas forcément de manière favorable. Ainsi, si 53% des télétravailleurs réguliers (4 à 5 jours par semaine) se plaignent du bruit, à un niveau identique à la moyenne, les télétravailleurs moins réguliers (2 à 3 jours) s'en plaignent à 66%. Cette perception de gêne auditive est notamment marquée dans le secteur industriel (67%), commercial (56%) et un peu moins dans l'administratif (52%) ou les services (49%). Cette sectorisation peut certainement expliquer une différenciation sexuée de la perception des nuisances sonores: les hommes (57%) déclarent plus souvent souffrir du bruit que les femmes (49%); ainsi qu'une différenciation catégorielle: les ouvriers (64%) subissent plus que les autres “catégories populaires” (57%) alors que les CSP+ (46%) semblent plus épargnées. Un autre facteur de gêne semble être l'âge : la sensibilité au bruit est plus prégnante parmi les 18-24 ans (56%) que les + 35 ans (52%). Cette carte des souffrances sonores sur le lieu de travail doit être complétée par la densité urbaine puisque les actifs de l'agglomération parisienne se plaignent à 67%, soit bien plus que les actifs souffrants dans les communes rurales (44%).

65% des répondants gênés par le bruit se plaignent de troubles auditifs

La source de cette gêne au travail ? Principalement le bruit venant de l'extérieur des locaux (38%), mais aussi le matériel utilisé comme les imprimantes ou souffleries (31%), les conversations téléphoniques (29%) puis les conversations entre collègues (27%). Les conversations téléphoniques sont exacerbées par les télétravailleurs (41% de gêne pour les réguliers et 38% pour les irréguliers). 

Le constat est gênant. L'Inri rappelle que l'exposition au bruit — notamment durant une journée de travail de 8 h — peut détourner l'attention, perturbe la communication verbale, peut provoquer une fatigue auditive, de la surdité irréversible, parfois des chocs acoustiques (notamment chez les opérateurs téléphoniques) voire augmenter le stress, alors que des expositions longues et intenses à ce dernier peuvent favoriser l'apparition de troubles du sommeil ou cardiovasculaires. D'après l'étude, 84% des personnes gênées (53% du total) affirment que cela influence leur comportement (fatigue, nervosité, agressivité, lassitude), 73% assurent que cela affecte également la qualité de leur travail (lenteur, difficulté à se concentrer, provoque parfois des somnolences ou maux de tête), une proportion qui monte jusqu'à 83% chez les 18-24 ans. L'apparition de troubles auditifs comme un bourdonnement, une hypersensibilité au bruit ou une surdité, est recensée chez 64% des personnes gênées par le bruit.

Il est intéressant de noter que toutes ces externalités négatives progressent depuis 2018, et notamment dans la proportion de personnes répondant ‘oui, tout à fait’, analyse la JNA. Ainsi, 32% des répondants affirment que la gêne occasionnée par le bruit sur leur lieu de travail est ‘tout à fait’ susceptible d'avoir des répercussions sur leur comportement (contre 29% en 2018) et 24% sur l'équilibre général de leur santé (contre 20% en 2018). L'apparition de troubles auditifs est l'élément qui connaît le plus forte hausse, citée cette année au total par 65% des répondants contre 57% en 2018.” Une pollution sonore qui provoque des difficultés de compréhension de la parole lors de conversations téléphoniques pour 50% des actifs en poste.

Les résultats de cette enquête indiquent l'urgence d'investir le bruit et ses conséquences sur la santé comme un véritable enjeu stratégique de santé publique. En l'état actuel, le télétravail ne représente pas une solution pour améliorer ses effets sur le capital humain. Repenser le bruit autrement, comprendre les mécanismes de l'oreille et ses interactions avec le cerveau est affaire d'éducation à la santé, affirme le JNA à l'origine de l'enquête. Pour accélérer le mouvement, la règlementation sur le bruit doit être revue quant à son seuil de déclenchement d'actions.” Les membres de l'association, composée notamment de médecins, s'inquiètent de l'usure prématurée des cellules de l'oreille induit par les expositions sonores. Ils rappellent que le stress acoustique du bruit altère les trois fonctions de l'audition : la communication, l'alerte et l'émotion. Des usages qui peuvent disparaître ou régresser en cas de surdité et/ou d'acouphènes.