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Précarité

Avec la crise du coronavirus, le nombre de bénéficiaires pour l’aide alimentaire explose

Par Charlotte Arce

La crise liée à la pandémie de Covid-19 n’est pas que sanitaire. Affectant fortement l’emploi et l’économie, l’épidémie a eu pour effet de précariser de nombreuses familles qui se sont tournées vers des associations comme Les Restos du Coeur ou le Secours Populaire pour se nourrir. 

Jovanmandic/iStock

À quel point la crise sanitaire et le confinement ont-ils dégradé les conditions de vie des Français ? S’il est encore trop tôt pour en mesurer durablement les effets, il est certain que les restrictions d’activité de nombreuses entreprises, combinées aux mesures de chômage partiel voire, dans certains cas, à la perte d’emploi, ont réduit les revenus de nombreux ménages. Selon les chiffres de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) dévoilés ce jeudi, près de 49 000 ruptures de contrats de travail ont été envisagées depuis le 1er mars, soit près de trois fois le nombre de ruptures envisagées sur la même période en 2019.

Entre 20 et 50% de demandes supplémentaires

Cette fragilisation de la situation économique qui, depuis le confinement, touche avant tout les familles aux revenus déjà modestes. Pour continuer à se nourrir, nombreuses sont celles à s’être tournées, parfois pour la première fois, vers l’aide alimentaire proposée par des associations comme la Croix-Rouge, le Secours Populaire ou les épiceries sociales. Résultat : le nombre de demandes de colis est en forte augmentation, comme le constate Jean-Michel Baer, président des Restos du Cœur Val-d’Oise.

“Le nombre d’inscrits a particulièrement augmenté à partir de fin juin. Pendant le confinement, je pense que les gens n’osaient pas tellement sortir”, avance le président départemental de l’association. Selon lui, le nombre de bénéficiaires a bondi de 20% à la fin du confinement, avec un pic constaté la dernière semaine de juin : 47 000 repas ont été distribués à 7 500 bénéficiaires sur tout le département du Val-d’Oise. Auxquels s’ajoutent 839 bébés, qui ont bénéficié de dons de lait infantile, de petits pots ou encore de couches. Le nombre de maraudes auprès des personnes vivant en logement précaire ou dans la rue a aussi augmenté de plus de 10%.

Une hausse aussi ressentie dans d’autres départements. D’après les données recueillies par Le Parisien, les Banques alimentaires ont fait face à “une augmentation de la demande entre 20 et 30% selon les territoires” tandis que les antennes franciliennes de la Croix-Rouge ont enregistré une demande supplémentaire entre “25% et plus de 50%”. Au niveau national, la Croix-Rouge française a même constaté une augmentation de 40 à 45% des besoins.

De nouveaux profils de bénéficiaires

Du côté de l’antenne locale du Secours Populaire d’Argenteuil (Val-d’Oise), qui vient en aide à environ 120 familles chaque mois, la demande est aussi à la hausse ces derniers mois. “Pendant l’été, nous ne faisons pas de nouveaux dossiers, mais c’est vrai qu’on a une forte demande de dépannage de personnes qui ne sont pas inscrites chez nous et qui viennent dans l’espoir de se faire inscrire ou du moins de bénéficier d’une aide ponctuelle”, indique Christine Proust, qui gère les demandes de colis alimentaires. L’association a aussi été très sollicitée pendant le confinement. Au niveau national, le Secours populaire a constaté une hausse de fréquentation de 45% en mars et en avril. Un pic de fréquentation qui ne s’est pas constaté dans tous les relais locaux. Depuis mi-juillet à Argenteuil, “on a peut-être eu un peu plus de demandes que les autres années, mais je ne sais pas si c’est lié à la crise sanitaire”, tempère Christine Proust, qui estime que cette augmentation est aussi liée à la fermeture estivale d’autres associations.

Pour Jean-Michel Baer en revanche, cette hausse des demandes de colis alimentaires est “la conséquence très nette de la crise économique. De nombreuses personnes ont perdu leur travail ou qui étaient juste à la limite et dont les revenus ont baissé viennent désormais nous voir. Ce sont des personnes qu’on ne connaissait pas auparavant car elles n’avaient pas besoin de nous". Outre les étudiants, les familles monoparentales ou les travailleurs isolés, ce sont désormais de nouveaux profils qui font chaque semaine la queue pour obtenir un colis alimentaire : des auto-entrepreneurs, des restaurateurs, des employés du BTP ou encore des commerciaux, que la crise économique a fait chavirer, comme le décrit Le Parisien.

Un manque de moyens humains et financiers

Si pour le moment, l’antenne départementale parvient à faire face à cet afflux de nouveaux inscrits à l’aide alimentaire, ses moyens sont limités. “On s'attend à une reprise très forte à partir de début septembre avec une augmentation de 20%.” Or, le nombre de bénévoles pour prêter main-forte à l’association ne cesse de diminuer. “C’est vraiment un coup dur pour nous, s’inquiète Jean-Michel Baer. Au plus fort du confinement, nous avons eu de nouveaux bénévoles qui étaient au chômage partiel ou total qui sont venus compenser l’absence de nos bénévoles traditionnels. Mais maintenant, ils sont repartis et nous manquons cruellement de nouvelles mains pour accueillir les inscrits et distribuer les colis. Toutes les personnes qui ont du temps à donner sont les bienvenues."

Si la crise économique venait à durer, l’association risque aussi de se retrouver à court de moyens financiers. “Pour fonctionner, on a besoin de bénévoles et d’argent. Et qui dit plus de bénéficiaires, dit nécessairement plus de besoins pour acheter des denrées alimentaires", explique Jean-Michel Baer, qui dit attendre beaucoup du gouvernement. Début juillet, la secrétaire d’État auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, Christelle Dubos, a en effet annoncé le déblocage de 55 millions d’euros supplémentaires pour les associations venant en aide aux plus précaires. Une aide qu'il espère suffisante pour faire face aux prochains mois. “Pour le moment, on a des stocks suffisants. Mais si l’augmentation du nombre d’inscrits venait à augmenter de 35 ou 40% à la rentrée, on n’y arriverait plus."