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Lutte contre l'alcoolisme

Décès d'Olivier Ameisen : une vie dédiée au Baclofène

Par la rédaction

Le Pr Olivier Ameisen, qui a défendu toute sa vie l’usage du baclofène, médicament qui l’a guéri de l’alcool, est mort jeudi. Retour sur une vie dédiée à la lutte contre l'alcoolisme.

Pr Olivier Ameisen, auteur du livre "Le dernier verre" chez Denoel (MaxPPP/OUEST FRANCE/Daniel Fouray)

Il avait consacré sa vie à combattre l'alcoolisme ! Le Pr Olivier Ameisen, cardiologue, mais surtout figure de la lutte contre l'alcool est décédé jeudi à Paris d'une crise cardiaque. Agé de 61 ans, il était le frère de Jean-Claude Ameisen, président du Comité consultatif national d'éthique. Retour sur la vie hors du commun du père du Baclofène, un médicament qu'il présentait comme un remède miracle contre la dépendance à l’alcool. 

 

Un parcours exceptionnel
Pianiste hors pair dès l'âge de sept ans et bachelier en classe de seconde, l'enfant surdoué choisit de devenir cardiologue. Médecin de Matignon sous Raymond Barre, c'est à New-York, une ville qui le fascine qu'il décide d'aller exercer son métier en 1983. Son choix se portera alors sur le prestigueux New York Presbyterian Hospital pour débuter sa carrière américaine. Et, c'est à partir de là que les choses commencent à déraper. « Angoisé de nature » comme il se décrit, et en décalage constant avec ce CV qui impressionne tout le monde, l'homme commence à boire. Très vite, il tombe dans une forme sévère d'alcoolisme. Décidant de se soigner, il est dans un premier temps réfractaire à tous les traitements disponibles. Puis, arrive chez Olivier Ameisen, l’intuition selon laquelle cette maladie pourrait avoir une base neuro-biologique. Il décide dès lors de s’administrer de très fortes doses de baclofène (270mg/jour), un médicament utilisé pour soulager les spasmes musculaires. Avec ce dosage, le médecin n’a plus de compulsions irrépressibles le poussant à boire et il peut sans difficulté s’accorder quelques verres occasionnellement sans replonger dans la dépendance. Sa découverte est alors publiée par la revue Alcohol and Alcoholism, puis dans les célèbres revues JAMA, et Lancet.

Le phénomène baclofène
C’est la parution de son livre, intitulé « Le dernier verre » en 2008, qui révèle le baclofène au grand public. Le cardiologue y raconte en détails sa guérison. Résultat, en seulement quelques semaines, les alcoologues sont débordés d’appels, des forums sont créés sur internet, les proches ou les malades eux-mêmes veulent savoir comment se faire prescrire ce comprimé aux résultats miraculeux. Cependant, à l’époque, le baclofène ne dispose que d’une autorisation de mise sur le marché en tant que décontractant musculaire. Quelques rares prescripteurs, addictologues ou médecins généralistes que les malades font des kilomètres pour consulter, commencent à prescrire le médicament hors AMM et à convaincre leurs confrères.


Pourtant, même si ce médicament suscite d’immenses espoirs, beaucoup de questions restent encore sans réponse. Car, malheureusement, le baclofène ne marche pas à tous les coups. « Ce n’est pas un médicament miracle. Un tiers des patients traités n’obtient pas les résultats espérés », martelaient encore les spécialistes réunis en colloque début juin sur la place du baclofène dans la lutte contre l’alcoolisme. Il semble néanmoins que les meilleurs résultats soient obtenus chez les malades souffrant de très fortes envies compulsives, ce que les addictologues appellent « le craving ». L'étude Alpadir, est menée actuellement par l’addictologue Michel Reynaud et le laboratoire français Ethypharm. Ses résultats attendus pour fin 2014 devront déterminer l’efficacité du baclofène à 180 mg/jour et permettre de déposer auprès de l’Ansm une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un nouveau dosage de baclofène, plus adapté au traitement de l’alcoolodépendance. Un autre essai clinique, baptisé Bacloville, est également en cours pour démontrer l’efficacité des fortes doses de baclofène (jusqu’à 300 mg/jour) et évaluer quels sont les effets secondaires du médicament au bout d’un an de traitement. Il semble que l’effet secondaire le plus fréquent, déjà décrit par Olivier Ameisen, soit la somnolence, qui touche un patient traité sur deux.

La reconnaissance
A l'heure de lui rendre hommage, on peut dire qu'Olivier Ameisen n'a pas mené sa croisade en vain et depuis peu il a même obtenu gain de cause. « Une innovation telle que le baclofène ne peut être ignorée », a assuré récemment le Pr Dominique Maraninchi, directeur général de l’Agence du médicament. Début juin il avait même annoncé la prochaine délivrance d'une recommandation temporaire d’utilisation (RTU), valable trois ans et permettant aux médecins de prescrire le baclofène pour traiter l'alcoolisme. Ce nouveau dispositif réglementaire qui devrait être officiel à l'automne d'après l'Ansm, permettra d’encadrer la prescription hors AMM de baclofène tout en surveillant son éventuelle toxicité. Autre avantage, le baclofène deviendra alors officiellement accessible au remboursement par la sécurité sociale. « Briser l'anonymat fut la décision la plus dure de ma vie. Mais si je ne le faisais pas, je perpétuais le tabou sur la maladie » confiait Olivier Ameisen en 2008 chez nos confrères de Sciences et Avenir à propos de son article publié en 2004 dans la revue Alcohol and Alcoholim, c'était le première fois qu'un médecin avouait son alcoolisme...