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Inégalités de soins

Cancer : les patients psychiatriques sont moins bien diagnostiqués et traités

Par Charlotte Arce

Les patients psychiatriques atteints de cancer, en particulier les schizophrènes, sont moins bien dépistés et pris en charge, ce qui les ferait mourir huit ans plus tôt que les autres, selon une vaste étude publiée dans “The Lancet”.

gorodenkoff/iStock

Lorsqu’ils sont atteints d’un cancer, les patients psychiatriques sont généralement dépistés plus tardivement et moins bien pris en charge, ce qui a incidence majeure sur leur espérance de vie. C’est ce que révèle The Lancet dans une nouvelle étude cas-contrôle menée sur plus de 200 000 patients par le Pr Guillaume Fond, psychiatre à l’AP-HP et enseignant-chercheur au Centre d'étude et de recherche sur les services de santé et la qualité de vie à l’université Aix-Marseille.

Une espérance de vie diminuée

Selon ce dernier, les patients souffrant de troubles psychiatriques, en particulier les schizophrènes, décéderaient en moyenne huit ans plus tôt lorsqu’ils sont atteints d’un cancer : 63,6 ans contre 71,8 ans pour les autres patients. “Nous savions déjà que leur espérance de vie était diminuée par rapport à la population générale et que la cause principale suggérée était la mauvaise prise en charge des maladies somatiques, explique le Pr Fond au Quotidien du Médecin. Ici, plusieurs hypothèses sont évoquées. Les données suggèrent par exemple que le cancer est dépisté plus tard, à un stade plus avancé, et que les patients avec schizophrénie meurent davantage de leur cancer primitif et moins de métastases secondaires.”

Outre les schizophrènes, des résultats publiés prochainement par la même équipe de recherche montrent que “les patients bipolaires atteints de cancer meurent cinq ans plus tôt que les autres et les patients qui souffrent de dépressions récurrentes trois ans plus tôt”, précise le chercheur à Franceinfo.

Un arrêt des soins plus rapide

Pour expliquer cette plus faible espérance de vie des patients schizophrènes atteints d’un cancer, les auteurs de l’étude avancent plusieurs explications. D’abord, la prédominance des soins palliatifs dans les dernières semaines avant le décès, “tandis que les autres patients recevaient encore des actes de haute intensité qui visent à prolonger la durée de vie”, explique le Pr Fond. Celui-ci précise toutefois au Quotidien du médecin qu’il ne faut pas y voir une moins grande implication des médecins. “Les soins palliatifs sont aussi plus adaptés à la prise en charge de patients complexes”, explique-t-il.

Un cas particulier, toutefois, montre la nécessité de “réfléchir à un nouveau modèle pluridisciplinaire pour prendre en charge les patients avec schizophrénie” : le cancer du poumon, qui touche davantage les schizophrènes car ils sont plus fumeurs que la population générale. Dans ce cas précis, “les médecins arrêtent plus vite les soins si le patient continue à fumer pendant son traitement.”

Une prise en charge médicale moins efficace

Autres raisons évoquées par l’auteur de l’étude : les “troubles de la concentration et de la mémoire qui peuvent entraîner un oubli de traitement ou de rendez-vous de chimiothérapie”, “l’hostilité ou l’opposition aux soins” des patients quand ils sont en phase maniaque ou encore le “manque de motivation voire une demande d’arrêt des soins” chez les personnes dépressives.

Les patients schizophrènes semblent également pâtir d’une moins bonne prise en charge médicale alors qu’ils présentent en moyenne moins de métastases que les autres et d’un dépistage plus tardif.

Enfin, chez certains d’entre eux, la prise d’antipsychotiques peut aussi interagir avec les traitements contre le cancer.

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