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Risque polygénétique

Syndrome Gilles de la Tourette : des centaines de variations génétiques impliquées

Par Charlotte Arce

Une vaste étude génétique révèle que ce sont les combinaisons des variantes de centaines de gènes qui contribuent au développement du syndrome Gilles de la Tourette.

Svisio/iStock
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Le grand public l’associe souvent à des sorties involontaires et soudaines de jurons ou d’obscénités. Pourtant, le syndrome Gilles de la Tourette est bien plus complexe que cela.

Maladie neuropsychiatrique se manifestant généralement avant la majorité, le syndrome Gilles de la Tourette se caractérise par la manifestation de tics moteurs et phonétiques comme des haussements d’épaules, des grimes, des raclements de gorge ou encore des clignements des paupières.

Pour les chercheurs, le syndrome Gilles de la Tourette est longtemps resté une énigme. Si sa composante héréditaire a rapidement été identifiée, les scientifiques n’étaient pas parvenus à identifier l’ensemble des variations génétiques impliquées dans le développement de la maladie.

Plus les variantes sont nombreuses, plus les symptômes sont sévères

C’est désormais chose faite avec ces nouveaux travaux réalisés par des chercheurs du Massachusetts General Hospital (MGH), de l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA), de l'Université de Floride et de l'Université Purdue. Dans un article publié dans l’American Journal of Psychiatry, ils expliquent avoir découvert que les variantes combinées de centaines de gènes contribuaient au développement du syndrome de Gilles de la Tourette. De nombreuses variantes génétiques communes agissant globalement ont été associées à un risque accru de maladie, ce qui donne à penser que des études d'association à grande échelle du génome (GWAS) pourraient clarifier quels gènes à risque potentiel contribuent ou non à l'apparition de la maladie.

Pour obtenir le plus grand ensemble de données possible, les chercheurs ont combiné les résultats de la seule étude GWAS publiée avec les nouvelles données de trois consortiums internationaux de génétique. Au total, 4 819 personnes atteintes du syndrome Gilles de la Tourette et près de 9 500 volontaires témoins non affectés ont été recensés. Une analyse secondaire a quant à elle comparé plus de 700 personnes atteintes du syndrome Gilles de la Tourette à plus de 450 personnes atteintes d'autres troubles du tic et plus de 6 000 témoins.

Les résultats de cette analyse ont permis d'identifier de multiples variantes génétiques associées à un risque accru du syndrome Gilles de la Tourette. Ils ont aussi confirmé que les personnes ayant hérité de plus de variantes à risque avaient les symptômes les plus sévères.

Des variantes génétiques bien plus présentes qu’on ne le croit

Autre découverte : celle que chacune des variantes qui contribuent au développement du syndrome est en réalité présente dans une proportion significative de la population générale, ce qui signifie que la plupart des personnes touchées par la maladie n'ont pas de gènes "cassés" ou "mutés". "Les TOCs et les pensées des personnes atteintes du syndrome Gilles de la Tourette sont les mêmes que ceux que nous avons tous, mais dans une plus large mesure. En tant que médecins et chercheurs, nous savons qu'il n'y a rien qui sépare les personnes atteintes par la maladie des autres enfants et des adultes, et maintenant nous avons montré que c'est vrai sur le plan génétique."

"Cette étude confirme que, pour la plupart des patients, la base génétique sous-jacente du syndrome de Tourette est polygénique, c'est-à-dire que de nombreux gènes travaillent ensemble pour causer une maladie", explique Jeremiah Scharf, co-auteur principal de l’étude. "Cela signifie que la plupart des personnes atteintes du syndrome Gilles de la Tourette ne portent pas un seul gène inactif, mais héritent plutôt de centaines de petits changements d'ADN des deux parents qui se combinent pour causer la maladie. Cette découverte a de multiples implications importantes, tant sur le plan scientifique que sur celui de la défense des droits des patients et de la compréhension de leurs symptômes."

Désormais, les chercheurs ont pour projet d’élaborer un score de risque polygénétique pour le syndrome Gilles de la Tourette. Ils espèrent ainsi avoir la possibilité de prédire si les symptômes qui se développent à l’enfance risquent de s’aggraver ou au contraire de se dissiper. "L'étape suivante consiste à étendre l'analyse à un échantillon encore plus large de près de 12 000 patients atteints du syndrome Gilles de la Tourette, ce qui a été rendu possible grâce à une collaboration internationale étendue. Nous espérons que cela donnera encore plus de puissance pour clarifier davantage la génétique du syndrome", conclut Peristera Paschou, co-auteure des travaux.