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Coût des médicaments

La HAS dresse le palmarès des antihypertenseurs

Par Cécile Coumau

Pour traiter les 14 millions d'hypertendus, les médecins disposent de 5 classes d'hypertenseurs. La Haute autorité de santé a demandé aux pouvoirs publics de mettre de l'ordre dans les prix.

PASSEMARD/SIPA
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Comparaison n’est pas raison, dit la maxime. Pourtant, comparer les médicaments entre eux en fonction de leur rapport qualité-prix devient de plus en plus tendance. La Haute autorité de santé (Has) a en effet rendu public ce 23 mai son analyse médico-économique des différents médicaments antihypertenseurs. Mais, une fois n’est pas coutume, ce palmarès de médicaments ne vise ni les médecins, ni les malades. Les premiers ne sont pas accusés de mal prescrire, et les seconds de consommer trop de médicaments.


Si la Has s’est lancée dans cette analyse médico-économique, c’est tout d’abord à la demande du ministère de la Santé. Les pouvoirs publics ont besoin d’éléments concrets pour y voir plus clair : la France compte 14 millions d’hypertendus, le coût des traitements s’élèvent à 2 milliards d’euros par an et « les données disponibles sur la proportion de patients sous traitement qui ne parviennent pas à normaliser leur pression artérielle sont inquiétantes », précise la HAS en introduction de son analyse. Il semble donc nécessaire de rationnaliser la prise en charge des hypertendus, et de hiérarchiser les différentes classes de médicaments.


A l’heure actuelle, neuf classes d’antihypertenseurs ont une indication dans le traitement de l’HTA, mais seulement cinq ont démontré un bénéfice en termes de morbi-mortalité cardiovasculaire. La Has a donc passé au crible les données médicales et économiques concernant les diurétiques thiazidiques (DIUth), les bêtabloquants (BB), les inhibiteurs calciques (Ica), les inhibiteurs de l’enzymze de conversion (IEC) et les antagonistes de l’angiotensine II (ARA II).
Pour dresser ce palmarès, la Haute autorité de santé a comparé leurs performances dans trois domaines : leur efficacité en termes de réduction de la mortalité et de prévention des accidents cérébro et cardiovasculaires, leur tolérance et leur efficience, autrement dit le rapport entre le bénéfice clinique et le coût.


Le premier enseignement de cette analyse médico-économique, « c’est qu’il est préférable de traiter une HTA, que de ne pas la traiter, précise le Pr Jean-Luc Harousseau, président de la Has. Cela va sans dire, mais dans le climat actuel, cela va mieux en le disant ». Concrètement, en traitant 1000 patients grâce à des inhibiteurs calciques ou des inhibiteurs de l’enzymze de conversion, cela permet d’éviter 44 événements cérébro et cardio-vasculaires et 22 décès.
Et toutes les stratégies thérapeutiques – sauf celles incluant des BB – coûtent moins chers que de ne pas traiter. D’ailleurs, les bêtabloquants sont les médicaments qui tirent le moins bien leur épingle du jeu. C’est le deuxième enseignement, « le collège de la HAS conclut à la non efficience des bêtabloquants en l’absence de complications cardiovasculaires ». Ils gardent en revanche toute leur pertinence pour les malades ayant fait un infarctus du myocarde.


Ensuite, les quatre hypertenseurs restants arrivent à peu près sur la même marche du podium en terme d’efficacité et de tolérance. Concernant la « persistance aux traitements », c’est-à-dire la période pendant laquelle on prend son médicament avant d’abandonner, les ARA II ont une petite longueur d’avance, alors que l’observance est moins bonne avec les diurétiques thiazidiques. Cependant, prendre un médicament chaque jour pour une maladie sans aucun symptôme n’est manifestement pas simple puisqu’au bout d’un an, plus d’un tiers des patients n’a plus aucun traitement antihypertenseur.


Ecoutez le Pr Jean-Luc Harousseau, président de la Has :" Pour les ARA II, les médecins soulignent plusieurs bénéfices à cette classe de médicaments : l'efficacité, la tolérance mais surtout la persistance au traitement."



Cependant, ce petit avantage en terme de suivi du traitement, et même de tolérance qu’ont les ARA II n’est manifestement pas suffisant pour compenser leur coût nettement supérieur. C’est le troisième enseignement de cette évaluation médico-énomique : « Lorsque l’écart de bénéfice clinique attendu de la prescription d’un ARA II, en termes de tolérance et de persistance, est mis en regard de l’écart de prix constaté en juillet 2012, la prescription d’un ARA II en instauration de traitement ne peut être considéré comme équivalente aux trois aux classes ». Entre les diurétiques thiazidiques et les ARA II, les prix vont en effet du simple au double. La Has attend donc que les pouvoirs publics harmonisent les prix de ces médicaments.


Ecoutez le Pr Jean-Luc Harousseau :"Le décideur a tous les arguments pour peser de tout son poids sur le prix des ARA II. Si les ARA II coûtaient moins chers, ils seraient sans doute plus efficients que les autres".


Faire pression sur le prix des antagonistes de l’angiotensine II pourrait se traduire par des économies substantielles puisque c’est la classe d’antihypertenseur la plus prescrite. Elle représente 38% des premières prescriptions chez le médecin généraliste. On peut donc imaginer que le message de la Has sera entendu par le ministère.
« Même si la précédente évaluation médico-économique, portant sur les statines et effectuée en 2010, n’avait eu guère d’effet », reconnaît Jean-Luc Harousseau. Le président de la HAS se dit tout de même optimiste et « espère que celle-là aura plus d’impact. » La culture du « médico-économique » gagne en effet du terrain en France. Des décideurs politiques aux patients en passant par les médecins, le rapport qualité-prix des médicaments commence à devenir politiquement correct.



Ecoutez le Pr Jean-Luc Harousseau : "Ce qu'il ne faudrait pas, c'est que le malade se sente coupable qu'on lui prescrive un médicament cher. Mais, il doit être informé des considérations médico-économiques".


La Grande-Bretagne a érigé la culture du médico-économique en dogme. L’efficience du médicament fait partie des critères d’admission au remboursement et sert à fixer le prix des molécules. En France, nous n’en sommes pas là. Et le système britannique ne fait d’ailleurs pas figure d’exemple. Certes, la HAS mène de plus en plus d’évaluations médico-économiques. Mais, ses conclusions n’ont pour le moment pas d’impact direct sur le niveau de prise en charge par l’assurance-maladie ou sur le choix de prescription des médecins. La balle est donc dans le camp du pouvoir politique.