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Bonbons, sirops, glaces,

Sucreries au "goût alcool" : pourquoi les addictologues tirent-ils la sonnette d’alarme ?

Par Charlotte Arce

Les industriels proposent de plus en plus de sirops, bonbons et yaourts portant le nom de cocktails alcoolisés. Dans les pages du "Parisien", le président de la Fédération française d’addictologie Amine Benyamina tire la sonnette d’alarme. Selon lui, ces produits aux noms exotiques inciteraient les jeunes à consommer du "vrai" alcool.

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Depuis quelques années, vous les avez forcément vus fleurir dans les rayons des supermarchés : les sirop goût "spritz", les yaourts saveur "piña colada" ou encore les glaces parfum "mojito".

Ces produits, aux doux noms de cocktail sentant bon l’été et l’exotisme ne sont pourtant pas sans danger pour notre santé, ou du moins pour celle des plus jeunes consommateurs.

Alors que la marque Lutti, n°2 du marché du bonbon, vient d’annoncer le lancement de sa gamme spritz et pina colada, les médecins alertent sur les dangers potentiels de cette nouvelle lubie marketing.

Des sucreries qui mélangent les genres

Dans Le Parisien de ce jeudi 19 juillet, le professeur Amine Benyamina, Président de la Fédération française d’addictologie estime que ces nouvelles sucreries sont extrêmement pernicieuses car, sous couvert d’offrir de nouvelles saveurs aux plus jeunes, elles favoriseraient leur consommation d’alcool une fois devenus adultes.

"Ces sucreries mélangent les genres, en surfant sur les boissons à la mode et sur le côté enfantin, la madeleine de Proust", estime le médecin.

En cause selon lui : le packaging de ces produits qui jouent l’ambiguïté en proposant des illustrations d'ingrédients essentiels aux cocktails. "Il ne s’agit pas de fabricants d’alcool et, pourtant, les références sont constantes sur les emballages. Cela donne un côté bon enfant à des produits qui sont régis par la loi."

Une "éducation au goût" de l’alcool

Pour l’addictologue, ces bonbons, yaourts ou glaces donnent clairement une "image positive et permissive" de l’alcool, ce qui influence les jeunes. "Les enfants et les ados peuvent se dire, plus tard, je consommerai ces cocktails. Il s’agit d’une éducation au goût. Ce marketing les prépare à en boire, on est dans la banalisation complète de l’alcool."

Un point de vue que partage William Lowenstein, président de SOS Addictions. "En matière de santé publique, c’est d’une bêtise folle. Les souvenirs d’enfance jouent un rôle une fois adulte. Cela les conduira plus tard à sous-estimer le risque de l’alcool, c’est la même farce qu’avec le Champomy."

Selon lui, la France est en plein paradoxe : "Sur le tabac, on a vraiment avancé, mais pas sur cette autre catastrophe sanitaire", laissant sous-entendre que le poids du lobby de l’alcool dans le pays joue sans doute un rôle dans ce laxisme du gouvernement. "En France, on est l’un des premiers producteurs de vin au monde, forcément, ça compte."

"D’un côté, on a interdit l’alcool aux mineurs ainsi que la publicité, il y a une volonté de protéger le consommateur, et, de l’autre, on fait la promotion de la fête, on met en place un marketing comme le montrent ces produits", renchérit le sociologue Christophe Moreau, expert des conduites addictives, également cité dans Le Parisien.

En France, la publicité pour l’alcool est régie par la loi Evin de 1991. Mais elle ne concerne pas ces produits, où apparaît explicitement la mention "sans alcool" et sur lesquels ne figurent pas l'illustration de cocktails, mais seulement des ingrédients qui les composent.

Et, selon Amine Benyamina, cela n’est pas près de changer : "Il n’y a pas de prise de position du président. On a toujours des mesurettes, comme cette histoire de grossir les pictogrammes des femmes enceintes sur les bouteilles, la belle affaire ! Ça ne va pas changer grand-chose. Il faut des mesures sur les taxes, la publicité, mais on ne les a toujours pas."