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Santé publique

Ebola : le contexte épidémique en RDC pousse les autorités à distribuer des médicaments expérimentaux

Par Barbara Azaïs

Face à l'urgence, les autorités sanitaires de la République démocratique du Congo (RDC) et l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) optent pour des traitements expérimentaux, dont les effets secondaires indésirables ne sont pas connus. 

robertonencini /iStock
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La réémergence du virus Ebola en République démocratique du Congo (RDC) - la neuvième depuis les années 1970 - inquiète les autorités. Si les premiers cas se sont déclarés dans le district de Bikoro, à 600 km de Kinshasa, l'épidémie s’est ensuite propagée en zone urbaine, notamment dans la ville de Mbandaka (1,2 million d’habitants) ainsi que dans d’autres villages de la province.

Le bilan du 3 juin de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) fait état de 56 cas, dont 25 décès à Bikoro, Iboko et Wangata. "Parmi ces 56 cas, 37 ont été confirmés en laboratoire, 13 sont des cas probables (décès pour lesquels il n’a pas été possible de collecter des échantillons de laboratoire ou de faire des tests) et six sont des cas suspects", indique l'OMS qui détaille le nombre de cas par localité : "Iboko (23 cas confirmés, 2 cas probables et 5 décès), Bikoro (10 cas confirmés, 11 cas probables, 5 cas suspects et 17 décès) et Wangata (4 cas confirmés, 1 cas suspect et 3 décès). Au 31 mai 2018, 880 contacts (des personnes contaminées, Ndlr) restent suivis activement".

Crédit : capture écran/rapport de situation n°8/OMS - 3 juin 2018

L'administration d'un vaccin experimental

C’est face au risque de propagation vers les villes densément peuplées comme la capitale Kinshasa (11, 5 millions d’habitants) que les autorités ont donné le feu vert à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour expédier les premières doses d'un vaccin expérimental mi-mai. "Si une ville de cette taille est gagnée par la maladie d’Ebola, il y aura un important foyer urbain, ce qui sera un vrai défi", a déclaré au Monde Peter Salama, qui pilote les opérations d’urgence à l’OMS."Lorsque Ebola gagne des zones urbaines, notamment des bidonvilles, il est extrêmement difficile de venir à bout de la maladie." Et que l'épidémie prenne des allures de pandémie mondiale ne dépend que de la réactivité des autorités sanitaires du pays. La République démocratique du Congo a donc engagé une course contre la montre pour devancer le virus, proposant ce vaccin non-homologué aux proches des premiers cas confirmés.

Ce vaccin rVSVG-ZEBOV-GP, constitué du virus de la stomatite vésiculeuse (VSV), a été mis au point par la laboratoire Merck en 2016. Administré en dose unique, il s’est jusqu’ici avéré concluant lors d’essais cliniques sur les humains, mais n’a pas encore reçu d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Il a en revanche été testé avec succès en 2015 en Guinée. A l'époque, l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest avait fait plus de 11 000 morts. Publiés en 2017 dans la revue The Lancet, les résultats du vaccin en question laissent espérer une fin de l’épidémie en RDC puisque sur les 6 000 personnes vaccinées, dont 200 enfants, aucun n’a contracté la maladie dans les semaines suivant la vaccination. En revanche, les chercheurs reconnaissent ne pas connaître la durée de protection conférée par le vaccin, ni même son efficacité chez les femmes enceintes, les enfants en bas âge et les personnes immunodéprimées

Crédit : capture écran/rapport de situation n°8/OMS - 3 juin 2018

Comme le souligne l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans son bulletin informatif du 30 mai, 420 personnes recensées autour de quatre cas à Mbandaka ont été vaccinées. "Le vaccin a aussi été administré aux agents de santé de la région". La vaccination à anneau (les premières personnes autour d'un cas) a commencé à Bikaro le 28 mai et s'est poursuivie "dans la zone de santé d'Iboko".

D'autres traitements expérimentaux bientôt proposés

Selon une tribune des chercheurs Eric D'Ortenzio (Inserm) et Yazdan Yazdanpanah (Université Paris Diderot), l'OMS pourrait bientôt proposer d'autres traitements expérimentaux. Il s’agirait plus précisément de molécules antivirales et d’anticorps monoclonaux (ZMapp, Remdesivir GS-5734, REGN3470-3471-3479, Favipiravir et mAb 114) encore non homologués. "Les anticorps monoclonaux agissent en ciblant une protéine présente à la surface du virus Ebola. En se fixant au virus présent dans l’organisme des patients infectés, ils empêchent l’infection de nouvelles cellules", expliquent-ils. "S’ils sont administrés au plus vite", ces anticorps monoclonaux pourraient diminuer "l’expansion de l’agent infectieux, laissant ainsi un délai au système immunitaire du patient pour produire une réponse efficace".

Pour le moment, ces traitements expérimentaux "ont démontré leur efficacité in vitro, c’est-à-dire dans un milieu artificiel comme une éprouvette ou sur des modèles animaux", indiquent les scientifiques. Malgré cela, les Nations unies estiment qu'au vu du contexte épidémique, ils doivent être administrés à tous les malades sans être comparés à un placebo. Administrer des traitements expérimentaux, dont les effets secondaires indésirables sont inconnus, pose tout de même quelques questions d'éthique : comment savoir que l'on ne chasse pas la peste pour la remplacer par le choléra ?