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Antibiorésistance

Teixobactine : un pas de plus vers le développement du super antibiotique

Par Antoine Costa

Un pas important vient d'être franchi dans le développement d'un nouvel antibiotique à base de teixobactine, capable d'éradiquer de nombreuses bactéries résistantes.

Jorun011 / iStock

L’antibiorésistance est un fléau promis à un grand avenir. Déjà responsables de 10 millions de morts, les Infections multirésistantes laissent entrevoir une crise sanitaire majeure, faute de nouveaux médicaments. C’est pourquoi la découverte de la teixobactine, en 2015, avait soulevé l’enthousiasme. Isolée dans le microbiote du sol par une équipe de la Northeastern University, à Boston, cette molécule a le potentiel de devenir un antibiotique incontournable.

Car la teixobactine a la capacité de détruire les bactéries dites Gram+ en se jouant de leurs mécanismes de résistance connus. Parmi ses cibles avérées, beaucoup de célébrités : le bacille de la tuberculose (M. tuberculosis), la bactérie responsable de la plupart des pneumonies (S. pneumonia), ou encore le staphylocoque doré et l’entérocoque, responsables d’infections nosocomiales résistantes graves.

Des analogues actifs in vivo

Mais le développement d’un nouveau médicament est un chemin de croix. Avant de parvenir à l’antibiotique du futur, encore faut-il savoir produire la molécule à grande échelle, dans une version qui ne soit pas toxique pour l’homme. C’est dans ce processus qu’une étape importante vient d’être franchie, comme l’annonce une équipe de chimistes de l’université de Lincoln (Royaume-Uni) dans un article publié dans le Journal of Medicinal Chemistry.

En effet, les chercheurs ont réussi à produire dix analogues de la teixobactine capables d’éradiquer des souches résistantes en laboratoire mais aussi in vivo, sur des cornées de souris. À la différence de la molécule initiale, dont la synthèse est aussi fastidieuse qu’aléatoire, ces analogues peuvent être fabriqués en moins d’une heure, et semblent tout aussi actifs. Des outils précieux pour espérer aboutir au nouvel antibiotique tant attendu.

Au moins six à dix ans à attendre

« Les analogues sont fondamentaux pour comprendre le potentiel thérapeutique des teixobactines chez l’homme », explique Ishwar Singh, auteur sénior, à Future Science. « Il y a un taux élevé d’échecs quand on essaie de transposer une molécule de l’étape de la découverte à celle de l’utilisation clinique, notamment à cause de toxicités secondaires chez l’homme. »

La teixobactine empêche les bactéries pathogènes de synthétiser les molécules (peptidoglycanes) qui composent leur paroi externe, provoquant leur destruction. À l’heure actuelle, aucun mécanisme de résistance n’a été identifié. Il semble en effet que la molécule s’attaque à des mécanismes assez fondamentaux et peu susceptibles de muter. Mais les biologistes restent prudents, car il faut souvent des décennies d’usage intensif pour voir apparaître de nouvelles résistances.

« Il reste beaucoup de travail avant d’aboutir à l’utilisation de la teixobactine comme antibiotique chez l’homme », conclut le chimiste. « Il faudra probablement entre six et dix ans avant d’avoir un médicament que les médecins pourront prescrire à leur patient, mais c’est un pas important dans la bonne direction. »