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Traumatismes crâniens

Foot US : 90 % des anciens joueurs ont des dommages cérébraux

Par Jonathan Herchkovitch

Les atteintes neurologiques subies par les joueurs de football américain ont des conséquences : troubles du comportement et de l’humeur, démence précoce…

bellafotosolo/Epictura

Les protections ne suffisent pas. En regardant un match de football américain, certains contacts entre joueurs sont tellement violents qu’on en vient à se demander s’ils pourront se relever. Ils le font en général, mais ces chocs laissent des traces.

Il y a les blessures classiques (fractures, entorses) ou parfois plus graves (paralysies), mais aussi les atteintes cérébrales. La santé des anciens joueurs est discutée depuis de nombreuses années entre la ligue américaine de football (NFL), les joueurs et les médecins. Et si les retraités ne semblent pas avoir une espérance de vie réduite, ils souffriraient en revanche d’encéphalopathies traumatiques chroniques (CTE).

Une étude de l’université de Boston (États-Unis) parue dans le JAMA vient d’objectiver l’ampleur des dégâts cérébraux que ces athlètes subissent. Les scientifques ont analysé l’état du cerveau de 202 anciens joueurs de football américain ayant évolué en moyenne 15 ans à différents niveaux, amateurs et professionnels. Ces personnes avaient fait don de leur corps à la science, spécifiquement pour l’évaluation des risques de ce sport.

Près de 100 % des joueurs pros touchés

Et les résultats sont édifiants. Parmi les 202 cerveaux, 177 présentaient des signes de CTE, soit 87 % ! Et plus les joueurs avait évolué à haut niveau, plus ce pourcentage était important. Chez ceux n’ayant joué qu’au lycée, les CTE se retrouvent dans « seulement » 21 % des cas. Chez les joueurs universitaires, le chiffre grimpe déjà à 91 %.

Mais c’est chez les joueurs de l’élite américaine (NFL) que les chiffres sont les plus frappants : sur 111 analysés, ils sont 110 à montrer des signes de dommages cérébraux, soit plus de 99 %.

Ces joueurs sont à la fois plus souvent, mais aussi plus sévèrement atteints. Environ 86 % des 110 joueurs professionnels avaient des atteintes cérébrales « sévères », contre 56 % des joueurs universitaires, rapportent les chercheurs.

Des symptômes visibles

En interrogeant l’entourage des anciens joueurs, les chercheurs ont pu relier ces CTE à des atteintes cliniques. Parmi les joueurs avec des CTE sévères, près de neuf sur dix avaient des troubles de l’humeur ou du comportement, 95 % un déclin cognitif, notamment des problèmes de concentration, et 85 % présentaient des signes de démence, malgré un âge moyen de décès de 66 ans.

La démence, ainsi que la maladie de Parkinson, seraient responsables des décès dans près d’un cas sur deux.

Un biais statistique important 

Les auteurs reconnaissent un biais conséquent à leur étude, qui fait sans doute gonfler ces chiffres. Les cerveaux sur lesquels elle s’appuie ont été donnés dans le cadre d’un programme étudiant les liens entre traumatismes crâniens et CTE. Les joueurs ayant des signes de dommages cérébraux et leurs familles sont donc sûrement très largement surreprésentés.

Mais l’étude a le mérite de montrer qu’un lien existe, et qu’il est associé au niveau de pratique. Il permettra d’appuyer le combat des médecins et d’anciens joueurs malades pour faire reconnaître les risques de leur métier, et améliorer la prévention.

La NFL se veut rassurante

« La communauté médicale et scientifique va bénéficier de cette étude et la NFL continuera à travailler avec de nombreux experts pour améliorer la santé des athlètes de la ligue, a déclaré Brian McCarthy, son porte-parole. Comme le soulignent les auteurs, il reste de nombreuses questions sur la cause, la fréquence et les effets durables des traumatismes cérébraux ».

Depuis plusieurs années, la NFL s’intéresse de plus près à ces problèmes, notamment à la suite d’une plainte d’anciens joueurs. La ligue a mis en place des protocoles de prise en charge des cas suspects de commotion cérébrale pendant les matchs, sous la surveillance de médecins indépendants. Une mesure qui a par ailleurs été reprise pour les matchs de rugby en Europe.