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Moins nombreux

Législatives : des médecins engagés dans la bataille

Par Marion Guérin

ENTRETIEN - Depuis la 3e République, les médecins sont de moins en moins nombreux à l'Assemblée Nationale. Le rôle de notable local est en déclin. 

Studioclover/epictura

Ils sont une petite trentaine à l’Assemblée Nationale. Des médecins parlementaires, praticiens reconvertis dans la politique. Généralistes, neurologues, pneumologues, hépatologues… La plupart sont libéraux, certains issus de l’hôpital. Depuis la 3e République, les médecins ont leurs quartiers au Parlement, où ils élaborent les lois et participent aux discussions. Ce dimanche, au premier tour des législatives, La République en Marche, composée selon les estimations d’un tiers de candidats « novices » en politique, proposera dans ses listes une vingtaine de médecins. Les autres partis en feront autant, dans d’autres proportions.

C’est que la figure médicale a longtemps imprimé la politique française. Mais l’image du « médecin notable » s’est progressivement effacée et au gré des années et des législatures, le nombre de parlementaires médecins s’est considérablement réduit. Patrick Hassenteufel, professeur des universités en science politique, revient sur les raisons de ce phénomène.

Traditionnellement, les médecins étaient nombreux à l’Assemblée Nationale. Pourquoi ?

Patrick Hassenteufel - Sous la 3e République, avant la première Guerre Mondiale, les médecins représentaient 10 à 12 % des députés, soit une forte proportion. C’était la profession la plus représentée, derrière les avocats et les hommes de loi, alors trois fois plus nombreux.

Cette forte représentativité est liée au rôle de ces médecins, notables locaux qui avaient aussi un fort engagement républicain. Ces médecins se situaient alors plutôt à gauche, du côté des radicaux, des laïcs. Ils étaient engagés dans le mouvement hygiéniste, faisaient face à des problématiques de santé publique importantes. La dimension politique faisait presque partie de leur pratique professionnelle. On se souvient notamment d’un vote considéré comme très clivant : la rupture des relations diplomatiques avec le Vatican, à la fin du XIXe siècle. Les députés-médecins avaient voté massivement en faveur de la rupture de ces relations.

Les choses changent dans l’entre-deux guerres. Il y a un peu moins de parlementaires médecins, même si leur proportion reste importante. Mais surtout, on assiste à un glissement à droite, voire à l’extrême droite, de leur engagement. Cela est lié à l’évolution du syndicalisme médical, avec un fort accent mis sur la médecine libérale puis, dans les années 1930, le thème du rejet des médecins étrangers ou juifs, de la fermeture de la profession, de la revendication d’un Ordre professionnel… Ce qui se ressent aussi sur les parlementaires médecins.

Notre époque a vu le déclin des médecins parlementaires. A quoi devons-nous cela ?

Patrick Hassenteufel - C’est un déclin relatif : sous la cinquième République, les médecins représentent toujours 7 % des députés. Cette baisse de la proportion renvoie à la plus grande diversité socioprofessionnelle de la représentation politique, avec la montée en puissance de parlementaires issus de la haute fonction publique, la technocratisation de la politique.

Mais ils restent assez bien représentés. En fait, il y a des variations selon la couleur de la majorité. Lorsqu’elle est à droite, on retrouve plus de députés-médecins que lorsqu’elle est à gauche, ce qui est lié à l’engagement politique de la profession, plutôt à droite. Par exemple, lors des larges victoires de la droite en 1986 et en 1993, il y avait 50 médecins-députés. Idem dans la période récente : en 1997, après la victoire de la gauche, on ne retrouve que 23 députés-médecins alors qu’en 2002, il y en avait 42. En 2007, 41 médecins étaient représentés, mais en 2012, plus que 28.

On peut dire qu’il y a une relative stabilité, mais c’est vrai que les médecins élus locaux, notamment les médecins-maires, nombreux sous la 3e et 4e République, sont aujourd’hui plus rares. Cela est lié au déclin de la figure du médecin notable. Aujourd’hui, les médecins qui s’engagent comme député deviennent progressivement des professionnels de la politique et privilégient, à un moment de leur carrière, leurs activités politiques.

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L'intégralité de l'entretien avec Patrick Hassenteufel, politologue


Les grands scandales sanitaires – Mediator ou le sang contaminé… - ont-ils pu influencer le vote des électeurs ?

Patrick Hassenteufel : De manière générale, la figure du médecin a perdu en légitimité, surtout depuis les années 1980 avec, effectivement, l’affaire du sang contaminé et d’autres affaires de nature diverse qui ont pu impliquer des membres de la profession.

Cela ne se traduit pas de façon très nette sur la représentation parlementaire, mais ce phénomène peut jouer au niveau local. En tous cas, contrairement à la 3 et 4e République où les médecins pouvaient vraiment mettre en avant cette appartenance professionnelle comme élément de légitimité, sous la 5e République, cela joue moins.