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Perturbateurs endocriniens

La France exporte dans plusieurs pays un herbicide qu'elle interdit

Par Ambre Amias

Après la Suisse, c'est au tour de la France d'être épinglée pour la vente vers d'atrazine, un herbicide toxique, à des pays en développement.

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Lorsque l'hôpital se moque de la charité. La France exporte des produits phytosanitaires toxiques, interdits chez elle. D'après les données de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), sept cargaisons d'atrazine auraient en effet déjà été exportées vers l'Azerbaïdjan, la Chine, le Pakistan, le Soudan, la Suisse et l'Ukraine depuis le début de l'année, sans que les quantités de produit soient connues.

L'herbicide, un perturbateur endocrinien interdit en France depuis 2001 – utilisé jusqu'en 2003 – et en Europe depuis 2004, est pourtant accusé de polluer les eaux souterraines, de provoquer des réactions allergiques cutanées, et même des problèmes de développement neurologique chez les fœtus, d'après l'Inserm.

Et la France n'est pas le seul pays hypocrite. C'est en effet l'ONG suisse Public Eye qui avait révélé au début du mois de mai que son pays hôte continuait à exporter le produit vers l’Argentine, le Brésil, le Cameroun, la Chine, l’Inde, le Pakistan, le Pérou et la Thaïlande, après avoir mis la main sur des documents d'expédition de la société Syngenta. Ce leader du désherbant est en effet helvète : le groupe de la ville de Bâle détiendrait entre 40 et 50 % des parts de marché mondiales.

Problème moral et légal

L'association accuse les pays exportateurs, la Suisse et la France donc, mais aussi l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne, de violer les termes de la convention de Bâle, et de celle de Bamako. La première régule le transit de déchets toxiques entre pays, et la seconde stipule qu'est considéré comme déchet toxique « les substances dangereuses qui ont été frappées d’interdiction [...] dans les pays de production pour des raisons de protection de la santé humaine ou de l’environnement », rappelle Public Eye.

Ainsi, outre le problème moral issu de la vente de produits toxiques à des pays qui ne l'utilisent pas, l'ONG espère ainsi provoquer une action en justice pour les cas de vente aux pays africains qui ont signé la convention de Bamako. « Le fait d’exposer la population d’autres pays à des toxines dont il est avéré qu’elles provoquent de graves problèmes de santé, et peuvent même entraîner la mort, constitue une violation des droits humains », d'après les rapporteurs des Nations Unies sur les produits toxiques.

200 000 intoxications par an

Efficace et bon marché, l'atrazine est principalement utilisée pour désherber les cultures de maïs et de canne à sucre. La France l'avait interdite après les soupçons de dangerosité pour l'homme, et avoir constaté la pollution excessive des nappes phréatiques de certaines régions (Bretagne, Sud-ouest, Centre et Ile-de-France notamment), dépassant parfois de deux fois les normes européennes.

« Les pesticides sont à l’origine de quelque 200 000 décès par intoxication aiguë chaque année, dont 99 % surviennent dans les pays en développement », rappelle l'ONG suisse.