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35 000 ca suspects

Epidémie de choléra : situation explosive au Yémen

Par Anne-Laure Lebrun

Depuis fin avril, les hôpitaux du pays sont submergés par l'afflux de patients. Médecins Sans Frontières envisage de lancer une campagne de vaccination. 

Hani Mohammed/AP/SIPA

L’épidémie de choléra au Yémen est explosive. Depuis le 27 avril, plus de 35 200 cas suspects, dont 361 décès, ont été recensés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). La grande majorité des malades se situe dans l’Ouest et le Nord du pays, les régions les plus peuplées du Yémen. Un afflux massif et rapide de malades qui submerge les hôpitaux encore debout malgré les deux ans de conflits armés.

Présent sur place depuis de nombreuses années, Médecins Sans Frontières (MSF) vient en aide aux populations et assiste les autorités sanitaires. Depuis début mai, plus de 5 000 Yéménites ont été pris en charge dans les centres de traitement choléra mis en place par l’ONG.
Mais même ces humanitaires chevronnés sont surpris par l’ampleur de l’épidémie. « Le choléra est endémique dans le Sud du pays donc nous avons toujours eu des kits choléra, explique Caroline Séguin, responsable adjointe des opérations au Moyen-Orient à Pourquoidocteur. Mais au Nord, c’est une population qui n’a jamais été confrontée à cette maladie. Elle est donc beaucoup plus fragile face au vibrion puisqu’il n’y a pas eu d’immunité acquise ».


Un pays à l'arrêt

Et la guerre civile n’a rien arrangé. Les agents de l’état n’ont pas reçu leur salaire depuis des mois. Résultat : tout est à l’arrêt. Il n’y a plus de ramassage d’ordures, les hôpitaux sont désertés par les équipes médicales. « Nous sommes obligés de payer le personnel médical pour les faire fonctionner », souligne Caroline Séguin.
A cela s’ajoute la fermeture de l’aéroport de Sanaa, la capitale. Excepté quelques vols humanitaires, le pays est coupé du monde. Or, sans approvisionnement, la population ne peut pas se protéger du choléra. « Le seul moyen d’endiguer l’épidémie est de chlorer les sources d’eau et de se laver les mains avec cette eau chlorée car le chlore tue le vibrion. Or aujourd’hui, il n’y a plus dans les marchés. C’est très inquiétant ».

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Caroline Séguin, responsable adjointe des opérations de MSF au Moyen-Orient : « Ce sont des opérations qui coûtent très cher...»

 

Les belligérants coopèrent

Malgré ce manque, les équipes de l’OMS et de MSF réussissent à mettre en place des opérations d’assainissement des puits. « Nous mettons également des bidons d’eau chlorée dans les lieux où se rassemble la population comme les mosquées ou les marchés », décrit la responsable.

Des opérations facilitées par la coopération de toutes les belligérants. MSF a en effet obtenu des visas d’urgence et a pu rapidement acheminer des kits choléra, des solutés d’hydratation ainsi que des lits dans le Nord du pays.
Néanmoins, dans les régions où les habitants vivent encore sous les bombes comme c’est le cas dans l’Est, l’insécurité entrave la réponse humanitaire. Ainsi, il est possible que des cas de choléra se soient déclarés dans ces zones sans que cela sache pour le moment.

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Caroline Séguin : « On a la chance d'être une grosse ONG et pouvoir acheminer du chlore par avion mais ce n'est pas le cas de toutes les ONG sur place... »

 

Alors face à toutes ces difficultés et l’envergure de l’épidémie, MSF envisage de lancer une campagne de vaccination. Mais là encore, un obstacle se dresse : la disponibilité du vaccin est limitée. « Je crois qu’il n’y a que 2 millions de doses disponibles alors qu’il en faudrait pour tous les Yéménites », glisse Caroline Séguin. Selon l’OMS, plus de 7,6 millions de personnes seraient exposés à un risque élevé de choléra.