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Fermeture des frontières

Congrès médicaux : possible boycott après le décret de Donald Trump

Par Audrey Vaugrente

En ouverture de la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI), les scientifiques ont dénoncé le décret anti-immigration signé par Donald Trump.

Seattle, où se tient la CROI (Howard Ignatius/Flickr)

C’est un début très politique pour la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI). En ouverture du congrès, les organisateurs ont interpellé le nouveau président des Etats-Unis, Donald Trump. Ils s’opposent clairement à l’ordre exécutif qui interdit l’entrée des ressortissants de sept pays du Moyen-Orient (1) pendant 90 jours. Ce texte menace directement l’avancée de la recherche sur les maladies infectieuses, estiment-ils.

Organiser la résistance

Il suffit d’étudier la littérature scientifique pour s’en convaincre : la recherche médicale s’appuie sur la coopération internationale. Une interdiction de voyager pourrait donc se révéler contre-productive. « Au-delà de l’impact immédiat sur les individus concernés par l’interdiction, nous nous alarmons du fait que cette mesure découragera d’autres scientifiques et chercheurs de se rendre aux Etats-Unis pour partager leurs travaux », estime Judith Currier, vice-présidente de la CROI 2017.

D’ailleurs, plusieurs scientifiques ont parlé de boycotter les grands rendez-vous médicaux qui se déroulent aux Etats-Unis – dont la CROI. Les organisateurs de celle-ci appellent plutôt à organiser la résistance, en poursuivant la lutte contre les discriminations et en renforçant la collaboration internationale.

Car en l’état, « ces restrictions menacent d’interrompre l’échange d’informations scientifiques vitales pour la réponse mondiale aux menaces sanitaires comme le VIH, Ebola, Zika et bien d’autres maladies infectieuses », illustre Susan Buchbinder, présidente de la CROI.

 

 

Un symbole d’ouverture menacé

Les infectiologues ne sont pas les seuls à s’inquiéter des retombées d’une telle interdiction. D’autres experts du domaine de la santé se sont emparés du dossier, avec un même message : empêcher les gens de voyager ne produira que des conséquences négatives pour le pays. C’est le message de sept directeurs de centres médicaux universitaires qui craignent un retour en arrière.

« La recherche biomédicale américaine a grandement bénéficié des idées, de la créativité, de l'ingéniosité des diplômés en médecine et chercheurs étrangers », ont-ils écrit dans le New England Journal of Medicine. Les directeurs de sociétés de biotechnologie avancent, en substance, le même argument dans un article de blog hébergé par Nature Biotechnology.

Sur les 69 000 travailleurs employés dans le secteur des biotechnologies, la moitié sont étrangers, soulignent Jeremy Levin, Steven Holtzman et d’autres directeurs. Ceux-ci pourraient comprendre qu’ils ne sont plus les bienvenus dans le pays. « Les Etats-Unis ont mené le monde pendant des décennies (…) parce qu’ils sont le symbole des opportunités en dépit des frontières, du genre, de l’ethnie, de l’orientation sexuelle ou politique », écrivent-ils. Un message d’ouverture clairement menacé par l’administration Trump.

 

(1) Si l’ordre exécutif est confirmé par la justice américaine, les ressortissants de ces Etats ne pourront pas entrer dans le pays pour une durée de 90 jours : Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen.