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Manifestations du 8 novembre

Infirmiers : Marisol Touraine veut revoir les conditions de travail

Par Bruno Martrette avec Audrey Vaugrente

ENTRETIEN – Olivier Youinou, infirmier-anesthésiste, dénonce les horaires intensifs et le manque de moyens à l'hôpital pour remplir sa mission de service public.

CHAUVEAU NICOLAS/SIPA

Ils sont plusieurs milliers à avoir fait entendre leur colère dans les rues de France. La profession infirmière est entrée en grève massive ce 8 novembre, avec le soutien d'une vingtaine d'organisations syndicales. 8 % des professionnels ont exercé leurs droits. A Paris, le cortège a regroupé 3 500 manifestants, selon la préfecture de police. Ils étaient moins nombreux à Lyon, mais le rassemblement reste significatif : 1 300 infirmières se sont unies, 2 000 selon les organisateurs. D'autres grandes villes ont entendu résonner les protestations des soignants : Strasbourg, Orléans, Tarbes ou encore Nancy... Tous ont évoqué une même crise, celle de l'hôpital.

La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a fait l'objet de questions à ce sujet, ce 8 novembre à l'Assemblée nationale. Elle a confirmé la mise au point d'un plan destiné à l'amélioration des conditions de travail. Sa présentation, en revanche, n'est pas encore datée. Ses grandes lignes n'ont pas non plus été détaillées. Le Premier ministre Manuel Valls a, de son côté, rappelé la création de 31 000 postes depuis 2012 dans la fonction publique hospitalière. Un progrès loin d'être suffisant au vu des revendications d'Olivier Youinou, infirmier-anesthésiste à l’hôpital Henri-Mondor (Créteil, Val-de-Marne). Le secrétaire général adjoint du syndicat Sud Santé a répondu aux questions de Pourquoidocteur.

Quel est l’objet de cette manifestation ?

Olivier Youinou : Les motifs sont les mêmes depuis plusieurs années. Les budgets des hôpitaux sont largement insuffisants si on veut maintenir les missions de l’hôpital public et donner au personnel les moyens de les remplir. Depuis cinq ans, ce n’est pas le cas. Toute la filière soignante, mais aussi les ouvriers et les administratifs, sont touchés par ces politiques d’austérité. Les budgets alloués ne nous permettent pas d’envisager un avenir plus serein. Mais quand on voit la réaction du ministère qui nous propose un comité de suivi, c’est dramatique. On attendait autre chose, une vraie politique volontaire. Traiter les symptômes ne nous satisfait pas.

Vous dénoncez des sous-effectifs chroniques…

Olivier Youinou : On est de moins en moins nombreux à faire du soin pour une population qui augmente. Quand j’ai commencé en réanimation, nous étions cinq par équipe. Aujourd’hui, ils sont trois pour un nombre de patients qui a augmenté. Les jours de repos qu’on m’accordait en début de carrière ne le sont plus aujourd’hui. Le salaire d’entrée, de 1 300 euros, n’est déjà pas encourageant. Si on double cela avec des conditions de travail exécrables, il n’est pas étonnant qu’après 18 mois, les jeunes claquent la porte. La durée de vie des infirmières dans les établissements est de 7 ans en moyenne.

A quoi ressemble une journée type ?

Olivier Youinou : La journée d’un infirmier commence souvent très tôt. On a rarement l’occasion d’amener nos enfants à l’école. Les journées sont chargées et on aimerait avoir des journées de repos. Il faut être bien dans sa tête pour soigner mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. On est régulièrement rappelés en raison de manques d’effectifs, d’un arrêt imprévu… Je pense souvent à une jeune infirmière diplômée depuis 18 mois. Elle a voulu quitter l’hôpital car elle n’en pouvait plus. En 18 mois, elle avait cumulé six mois d’heures supplémentaires.

On est loin des 35 heures…

Olivier Youinou : Les hospitaliers n’ont jamais connu les 35 heures. Les horaires peuvent aller jusqu’à quatre fois douze heures dans la semaine. Les deux jours de repos consécutifs ne sont pas garantis toutes les semaines. Cela pèse sur leur quotidien. Les burn out, on ne les compte plus.

Quelles solutions proposez-vous ?

Olivier Youinou : On propose un revirement complet de la politique. Il faut écouter plus ce que les hospitaliers et la population disent. La population, je crois, reste attachée à son hôpital et son système de santé. Mais de 2006 à aujourd’hui, on est passé du premier rang mondial au 24e dans ce secteur. Il faut arrêter cette dégringolade au plus vite. Cela passe par des budgets dignes de ce nom, et non les politiques d’austérité qu’on nous inflige depuis des années.