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Morphine, oxycodone, méthadone…

Antalgiques : les opioïdes prolongeraient certaines douleurs

Par Jonathan Herchkovitch

S’ils soulagent à court terme, les antalgiques de la famille des opioïdes comme la morphine pourraient provoquer des inflammations de la moelle épinière.

Omennn/epictura

Les antalgiques puissants de la famille des opioïdes ne sont pas à prendre à la légère. En 2015, aux États-Unis, ils seraient responsables de 20 000 décès par overdose. Et ce n’est pas leur seul effet secondaire néfaste. S’ils sont efficaces en premier traitement des douleurs intenses, ils sont extrêmement addictifs. Ils provoqueraient aussi des douleurs chroniques à long terme, estime une équipe de l’université du Colorado à Boulder (États-Unis).

Leur étude, publiée dans la revue scientifique PNAS, a été effectuée chez des rats. Elle révèle que lorsqu’il leur était administré de la morphine après une lésion nerveuse, le soulagement à court terme s’accompagnait de l’installation d’une douleur chronique, qui pouvait durer plusieurs mois.

« Nous avons montré pour la première fois que même une exposition brève aux opioïdes pouvait avoir des effets négatifs à long terme, explique le Dr Peter Grace, chercheur en psychologie et neurosciences à l’université du Colorado et auteur de l’étude. Le traitement contribue au problème. »

Une réaction en chaîne

Lors d’une lésion du système nerveux périphérique, les cellules endommagées envoient un signal à la moelle épinière, et en particulier aux cellules gliales. Celles-ci sont chargées de maintenir l’environnement des neurones dans état optimal pour leur fonctionnement. En recevant ce signal, elles se mettent en alerte.

Jusque là, rien d’inhabituel. Mais lorsque les douleurs liées à la lésion sont traitées avec de la morphine, les cellules gliales entrent en surrégime, et une réaction en chaîne provoque une inflammation de la moelle épinière. Une protéine – appelée interleukine-1béta (IL-1b) – est produite, et augmente la réponse des cellules de la douleur dans la moelle épinière et dans le cerveau. Cette douleur peut ensuite durer plusieurs mois.

Un coup double

Pour le Pr Linda Watkins, co-auteure de l’étude, c’est comme une claque en aller-retour. « Vous pouvez éviter la première, mais pas la seconde, explique-t-elle. Ce double coup exacerbe l’activité des cellules gliales, ce qui rend les neurones de la douleur complètement fous ». Si la réaction inflammatoire ne résulte pas de la lésion elle-même, c’est la morphine qui s’en charge.

« Les implication pour les personnes qui prennent des opioïdes comme la morphine, l’oxycodone et la méthadone sont importantes, poursuit-elle, car la décision prise pour leur utilisation à court terme peut avoir des conséquences terribles, en augmentant la douleur et en la prolongeant dans le temps. »

La réaction est-elle évitable ? Il semblerait que les chercheurs aient trouvé un moyen de bloquer les récepteurs des cellules gliales aux opioïdes, ce qui pourrait bloquer la réaction en chaîne.