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Après le drame de Rennes

Essais cliniques : des nouvelles mesures de sécurité qui divisent

L’ANSM a annoncé de nouvelles mesures pour sécuriser les essais de phase 1. Les chercheurs s’alarment de leurs conséquences sur la recherche française.

Essais cliniques : des nouvelles mesures de sécurité qui divisent MATHIEU PATTIER/SIPA




Le mieux est l’ennemi du bien, dit-on. Les nouvelles mesures mises en place ce jeudi soir par l’ANSM semblent confirmer le proverbe. Moins de trois mois après l’essai clinique de Rennes, qui a mené à la mort d’un volontaire sain en janvier, l’Agence française du médicament a en effet annoncé l’instauration de « mesures de précaution » pour les essais de première administration à l’Homme (first-in-human studies).

Pour ce type d’études, lors des essais de phase 1, chaque augmentation des doses administrées aux volontaires sera conditionnée par une analyse pharmacocinétique permettant d’évaluer le devenir de la substance active dans l’organisme. Concrètement, cela signifie qu’à chaque nouveau palier, les volontaires se verront prélever du sang qui sera immédiatement analysé, avant de passer au palier suivant.

"Très formel et théorique"

La mesure suit une recommandation du comité d’experts désigné par l’ANSM au lendemain de l’accident de Rennes. Actuellement, les prélèvements sanguins sont réalisés à chaque palier, mais conservés pour une analyse postérieure - en général à la fin de l’administration en dose unique (constituée de paliers progressifs) et avant d’entamer l’administration en doses répétées.

Etant donné l’effet-seuil observé dans le cas de la molécule BIA 10-2474, responsable de l’hospitalisation de six participants, on pourrait voir ici une évolution prudente. « En fait, c’est une mesure très formelle et théorique », estime Christian Funck-Brentano, responsable du Centre de Recherche Clinique de La Pitié-Salpêtrière.

En effet, selon le chercheur, une telle mesure n’aurait pas empêché l’accident de se produire. Les données cinétiques, qui indiquaient une action non-linéaire à partir d’un certain seuil, semblaient suffisantes pour inciter à la plus grande prudence. C’est le schéma d’augmentation des doses qui aurait dû être revu, et non pas la fréquence des analyses cinétiques.

« Le laboratoire a agi selon le protocole qui guide tous les essais cliniques de phase 1, à savoir, une augmentation progressive des doses jusqu’à l’apparition d’effets indésirables, poursuit Christian Funck-Brentano. Pourquoi ne pas remettre en cause ce schéma réglementaire, qui peut donner lieu à un tel accident ? Pourquoi ne se contente-t-on pas d’administrer une molécule jusqu’à obtenir des marqueurs pharmacodynamiques, sans aller nécessairement explorer les effets indésirables ? »

Frein à la recherche

Autre point soulevé par les chercheurs : l’utilité des informations collectées à chaque palier. Pour Jean-François Bergmann, chef de médecine interne à l'hôpital Lariboisière, et ancien expert de l’ANSM (ex-Afssaps), « la courbe cinétique est relativement similaire, que l’on soit à 20mg ou à 50mg ». Ainsi, la rentabilité de l’information semble plutôt faible. « La courbe change radicalement quand on passe en doses répétées, et c’est là qu’il faudrait augmenter la fréquence des analyses, pas lors de tous les paliers en dose unique ».

En-deçà de son efficacité, les chercheurs craignent que la mesure, prise au niveau national, ne nuise à la dynamique de la recherche en France. « C’est typiquement le genre de démarches dont il faut discuter à l’international », souligne Christian Funck-Brentano.

En effet, le risque est grand de voir les promoteurs d’essais bouder le territoire français au profit d’un Etat moins regardant. « Si la France est la seule à mettre en place de telles restrictions, c’est très simple, plus personne n’y viendra faire d’essais », ajoute Jean-François Bergmann, qui estime que les temps d’expérimentation pourraient être doublés, voire triplés, avec cette nouvelle mesure. « On peut trouver la considération accessoire, mais cela ne sera pas sans conséquences pour la recherche ».

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