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Chez le médecin généraliste

Les hommes virils ont tendance à cacher leurs symptômes

Par Audrey Vaugrente

Les normes sociales ont parfois des effets inattendus. Les hommes qui se pensent virils vont moins chez le médecin et sont moins honnêtes sur leurs symptômes lorsqu’ils le font.

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Sois un homme. Ne fais pas ta fillette. Ces expressions, très utilisées, exigent des hommes qu’ils correspondent à un idéal de masculinité. Un homme, un vrai, est coriace, indépendant et ne s’attarde pas sur ses problèmes, qu’ils soient physiques ou mentaux. C’est en tout cas l’idée reçue que véhiculent de nombreuses sociétés occidentales – dont la France.
Le fait d’y adhérer affecte la santé de manière notable. Deux études, menées par des psychologues de l’université Rutgers (New Jersey, Etats-Unis), montrent que les hommes qui se croient durs à cuire vont davantage cacher leurs symptômes à leur médecin… surtout s’il appartient lui-même au sexe masculin.

Une question de statut social

« L’espérance de vie des hommes est de cinq ans plus courte que celle des femmes et les différences physiologiques ne suffisent pas à expliquer ce décalage », souligne Diana Sanchez, principal auteur de ces deux publications. Pour résoudre cette énigme, elle a rencontré plusieurs centaines de personnes. La première étude, parue dans Preventive Medicine, a porté sur 546 hommes. Leur tâche était simple : remplir des questionnaires sur les valeurs propres à leur genre et au sexe opposé. Ils ont aussi précisé s’ils préféraient un homme ou une femme en tant que médecin personnel.

Les volontaires qui pensent devoir être des durs à cuire sont plus nombreux à choisir un médecin du même sexe. Mais, ironiquement, ils s’ouvrent moins à ce professionnel de santé. C’est qu’a montré un deuxième volet de l'étude dans lequel des entretiens avec des internes en médecine des deux sexes étaient organisés. « Ils ne veulent pas montrer de signe de faiblesse ou de dépendance vis-à-vis d’un autre homme, y compris un médecin », explique Diana Sanchez. Les femmes, en revanche, recevront plus de détails de la part de leur patient… sans doute parce que s’ouvrir auprès d’elles n’affecte pas le statut social. Un paradoxe certainement difficile à gérer pour ces hommes.

Les femmes aussi

Les deux psychologues ont tenté de reproduire ces résultats dans une seconde étude. Cette fois, 193 étudiants et étudiantes, ainsi que 298 personnes issues de la population générale ont été recrutés. Le résultat est sensiblement le même : plus les hommes croient devoir se rapprocher d’un idéal de la masculinité, moins ils se rendent chez le médecin, et plus leurs symptômes sont marqués.

Les femmes sont également touchées par le phénomène. En effet, celles pour qui les valeurs de courage et d’indépendance sont importantes ont tendance à retarder les rendez-vous médicaux. Mais si le sexe masculin est davantage affecté, c’est à cause des codes sociaux, explique Mary Himmelstein, co-auteur de l’étude. « Il existe un scénario culturel qui demande aux hommes d’être courageux, indépendants et durs à cuire. » Le concept d’être une vraie femme n’existant pas réellement, le sexe féminin échappe à ce fléau.