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Loi Evin : une "clarification" qui pèsera lourd sur la santé publique

Par Stéphany Gardier

Après avoir été reporté deux fois suite aux attentats qui ont frappé Paris, l'examen du projet de loi Santé en deuxième lecture a débuté à l’Assemblée nationale ce mardi. Et fait plus que paradoxal, alors que ce projet vise à « moderniser » le système de santé français, un des premiers textes votés marque un retour en arrière majeur. La loi Evin de 1991 a en effet été « clarifiée ».

 

Pour les professionnels du monde viticole, qui se disent « soulagés », c’est l’épilogue d’ « une rude bataille parlementaire », peut-on lire dans Sud Ouest. « Ce vote sécurise l'information journalistique et œnotouristique », se félicite Audrey Bourolleau, qui dirige Vin & Société, qui regroupe des viticulteurs.

Pour de nombreux experts de la lutte contre l’alcoolo-dépendance c’est un désastre, une porte ouverte à des dérives dommageables pour la santé publique, a déjà prévenu l’ancien ministre de la Santé, dont la loi porte le nom. Marisol Touraine s’était, elle, positionnée contre cette proposition, qui a pourtant obtenu 102 voix, seuls 29 députés ayant voté contre. « Il est plus que regrettable, triste, même, que ce soit à l’occasion de l’examen d’une loi de santé publique que la loi Évin, qui est l’une de nos grandes lois de santé publique, soit défaite », a commenté la ministre de la Santé.

 

« Récemment, le Conseil général du Jura hésitait à produire un clip à passer dans des cinémas pour inciter à visiter ses villages viticoles. Ce n'est pas possible d'en arriver à ces blocages. Il fallait sécuriser tout cela », explique Audrey Bourolleau. Claude Evin rappelait pour sa part récemment dans une interview pour La Chaîne Parlementaire que sa loi n’avait jamais empêché l’information, ni interdit la publicité d’ailleurs, qu’elle visait simplement à encadrer.

Les enjeux économiques ont-ils donc gagné sur la santé publique ? Bien entendu, mais cet assouplissement de la loi Evin qui réjouit tant le monde de la viticulture pourrait bien s’avérer un mauvais calcul. Claude Evin souligne d’ailleurs dans son entretien à LCP, que les vrais gagnants seront in fine les producteurs de bière et d’alcools forts, qui ont bien plus de moyens pour se payer des campagnes de publicité.

Les députés devront donc assumer d’avoir sacrifié la protection des Français contre les risques liés à l’alcool, pour des intérêts économiques incertains et discutables. Une décision perdant-perdant, dont le prix se paiera en vies humaines. L’alcool, responsable de près de 50 000 décès par an dans l’Hexagone, est la deuxième cause de mortalité évitable. La France reste d'ailleurs un des pays de l'OCDE où l'on boit le plus.