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Abus médicamenteux

Migraines : le casse-tête des antalgiques

Par Cécile Coumau avec Afsané Sabouhi

7 millions de Français souffrent de migraines. A vouloir se soigner seuls, certains abusent d’antidouleurs qui leur créent des maux de tête quotidiens. Les spécialistes recommandent un sevrage progressif pour en sortir.

Images Distribution/NEWSCOM/SIPA

Attention, les médicaments antalgiques peuvent vous faire plus de mal que de bien s'ils sont mal utilisés. C’est le message délivré aux Britanniques souffrant de migraine par le NICE, la Haute autorité de santé anglaise. Selon ces experts, un migraineux sur 50 souffre de maux de tête quotidiens à cause d’un abus de médicaments contre la douleur.
Le phénomène est presque aussi courant en France qu’au Royaume-Uni. De nombreux migraineux, pensant pouvoir gérer leurs crises sans consulter de médecin, abusent de médicaments inadaptés et pas assez efficaces. Résultat : le cercle vicieux s’installe et des maux de tête quasi-quotidiens induits par les antalgiques apparaissent. Tous les antalgiques sont concernés : paracétamol, aspirine, ibuprofène, antidouleurs codéinés ou opioïdes et triptans. 
On considère qu’un patient a un usage abusif de médicaments lorsqu’il consomme du paracétamol, de l’aspirine ou un anti-inflammatoire type ibuprofène au moins 15 jours par mois depuis 3 mois et dès 10 jours par mois pour les autres types d’antalgiques.

 

Ecoutez le Dr Michel Lanteri-Minet, neurologue au CHU de Nice et président de la Société française d’étude et de traitement de la douleur : « La récurrence des prises de médicaments est aussi un indicateur d’abus ».



Qui sont ces addicts aux antidouleurs ? Selon les chiffres britanniques, il s’agit de femmes dans 4 cas sur 5. Rien de très surprenant cependant puisqu’à l’âge adulte, 75% des migraineux sont des migraineuses. En revanche, on distingue 3 facteurs de risque précis : se traiter plutôt avec des antalgiques à effet psychoactif (opioïdes ou à base de caféine), souffrir d’anxiété qui pousse à avaler des cachets par anticipation pour prévenir la crise et souffrir d’autres maux de tête comme les céphalées de tension, des difficultés  à distinguer les crises des migraines.

Ecoutez le Dr Michel Lanteri-Minet: « Le trio médicaments psychoactifs, anxiété et céphalées de tension est à haut risque »


 

Pour tenter d’intervenir avant que les migraines ne deviennent chroniques, les spécialistes français ont défini la notion de pré-abus. Ce seuil est atteint lorsqu’un migraineux consomme régulièrement des antidouleurs plus de 2 jours par semaine. « Dans ce cas, il faut consulter son médecin généraliste, conseille le Dr Lanteri-Minet. Il y a toute une palette de médicaments pour soulager efficacement les crises migraineuses et si besoin, on peut envisager un traitement de fond pour réduire significativement la fréquence des crises ».

La prise d’antidouleurs est effectivement connue pour être un facteur de chronicisation des migraines, au même titre que l’anxiété, la dépression ou l’obésité. « Mais l’éternelle question, souligne le Dr Michel Lantéri-Minet, neurologue au CHU de Nice, c’est de savoir qui est l’œuf et qui est la poule ? Est-ce que les migraines sont devenues chroniques parce que le patient abuse des antalgiques ou est-ce que ce sont ses migraines chroniques qui le pousse  consommer toujours plus de médicaments ? ».
Seul le sevrage permet de répondre. Dans 1 cas sur 2, supprimer l’abus médicamenteux permet de revenir à des migraines beaucoup plus épisodiques, signe que les antidouleurs causaient bien le problème qu’ils étaient censés résoudre. Les Britanniques préconisent la méthode radicale du sevrage brutal. Le patient passe alors 2 ou 3 semaines qui peuvent être très difficiles si il abusait de médicaments psychoactifs avec des maux de tête, des nausées, des insomnies …
En France, les spécialistes privilégient un sevrage plus progressif, réalisé dans un premier temps avec l’aide de son médecin généraliste. En cas d’échec, ce sont les neurologues et les centres spécialisés dans le traitement de la migraine qui prennent le relais.

Ecoutez le Dr Michel Lanteri-Minet : « Le sevrage brutal est notre dernière option et il nécessite souvent une hospitalisation  »



Comme pour les autres addictions, le sevrage ne résout pas toujours le problème. On estime que 40% des patients retombent dans leur abus médicamenteux dans l’année qui suit le sevrage. « Il y a besoin d’un suivi médical très très serré, il faut prendre en charge la dimension addictive et l’anxiété qui favorisent la récidive », souligne le neurologue. L’idée reçue a donc beau être bien ancrée ; non, la migraine, ça ne va pas passer, il faut consulter.