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Commission des Affaires Sociales

Tiers payant, paquet neutre, IVG : le Sénat détricote la loi santé

Par Suzanne Tellier

La Commission des affaires sociales du Sénat a examiné le projet de loi santé. Plus de 200 amendements ont été adoptés et 50 articles supprimés, dont ceux sur le paquet neutre et le tiers payant. 

APESTEGUY/SIPA

Décidément, la loi santé accouchera dans la douleur. Ce mercredi, la Commission des affaires sociales du Sénat, présidée par Alain Milon (Les Républicains), a achevé l’examen du « projet de loi relatif à la modernisation du système de santé ». Le texte a été remanié en profondeur : 206 amendements ont été adoptés et 50 articles ont été supprimés. Le nouveau texte sera examiné en séance plénière à la rentrée.

Exit le paquet neutre

La commission a supprimé l’une des mesures phare de la loi contre le tabac : le paquet neutre. Elle a jugé « prématuré l’engouement suscité par cette réforme », qui a fait l’objet d’une réunion internationale présidée par Marisol Touraine ce lundi, en présence des représentants de neuf autres nations à travers le monde.

Les Républicains, à l’origine de la plupart des amendements proposant la suppression, avaient déjà promis d’y faire barrage. « La mise en place du paquet neutre pour les produits de tabac constitue une atteinte au droit de la propriété intellectuelle et comporte un risque d'augmentation substantielle de la vente et de la consommation de cigarettes contrefaites ou de contrebande », soutiennent les auteurs de l’un des amendements examinés par la Commission. Un argument largement utilisé par les buralistes et l’industrie du tabac, qui promet d’intenter des actions de justice auprès de l’Etat français afin d’obtenir des indemnisations si le paquet standardisé venait à voir le jour.

Au lieu du paquet neutre, les sénateurs de la Commission souhaitent que la surface des futurs paquets de cigarettes soit recouverte à 65 % d’avertissements sanitaires, mais que chaque marque conserve sa spécificité visuelle et son packaging. Un amendement a été adopté en ce sens. Sur Twitter, les associations spécialisées dans l’addiction dénoncent cette position, quelques semaines après le détricotage de la loi Evin sur la publicité de l’alcool.

 


Le tiers payant supprimé

Ce n’est pas une surprise : le Sénat, majoritairement à droite, avait clairement indiqué qu’il s’opposait à cette mesure, qui constitue un marqueur politique de la gauche. La commission a voté la suppression de l’article 18 sur la généralisation du tiers payant, « estimant que cette mesure à la mise en œuvre complexe, rompant avec les modalités d'exercice de la médecine libérale, n’était pas véritablement nécessaire dès lors qu’elle s’appliquait déjà aux publics les plus fragiles et aux patients atteints d’affections de longue durée », peut-on lire dans un communiqué.

La réorganisation territoriale des soins par les Agences Régionales de Santé voulue par le gouvernement a elle aussi été modifiée en profondeur par les sénateurs de la Commission, qui ont jugé qu’il s’agissait d’un « dispositif d’hyper-administration », qui instaurerait une « forme de planification inacceptable pour les praticiens libéraux ».
 

IVG et don d’organes : il est urgent d’attendre

L’article 17 bis du projet de loi visait à supprimer le délai de réflexion imposé aux femmes qui procèdent à une intervention volontaire de grossesse (IVG). Pour ses détracteurs, ce délai de sept jours a tendance à placer la femme dans une position infantilisante et culpabilisante, et peut entraver l’accès à ce droit. Pour ses défenseurs, au contraire, il permet d’éviter de prendre « à la va-vite » une décision irrémédiable.

Par la voie d’un amendement adopté en commission, les sénateurs se sont opposés à la suppression de ce délai précédant une IVG. Ils considèrent que le sujet doit être débattu au cours de la prochaine révision des lois bioéthiques.

Il en va de même concernant le don d’organes. Les députés s’étaient prononcés en faveur d’une révision de la loi, afin que le prélèvement se fasse « automatiquement » sur une personne majeure qui n’aurait pas fait connaître, de son vivant, son refus au don. Les proches du défunt n’auraient alors qu’un rôle consultatif et leur consentement n’aurait plus été formellement nécessaire, comme c’est le cas aujourd’hui. Les sénateurs ont adopté la suppression de cet article et demandé que le débat se tienne lors de la révision des lois bioéthiques.

Tous les articles supprimés pourront toutefois être réintroduits en séance, en septembre, ou rétablis en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, qui a le dernier mot.