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QUESTION D'ACTU

Alain Bonnineau, vice-président d’AIDES

Sida : «Il n’était pas prévu que les personnes vivent si longtemps»

ENTRETIEN – L'espérance de vie des personnes séropositives s'allonge mais les soins ne suivent pas. Outre les préjugés, l'offre ne s'est pas adaptée à cette croissance.

Sida : \ Lighthunter/epictura




Près d’une personne séropositive sur cinq est âgée de 50 ans ou plus en France. Les traitements antirétroviraux ont allongé la durée de vie des patients infectés. Ce vieillissement provoque une évolution de leur prise en charge : de nouvelles pathologies apparaissent. Mais au-delà de l’aspect médical, le volet social devient plus présent. Car il n’y a pas que la santé des séropositifs qui est fragile. Cette population est vulnérable sur le plan social : le chômage y est notamment plus élevé qu’en population générale. Alain Bonnineau peut témoigner de ces difficultés. Vice-président de l’association AIDES, il vit avec le virus depuis trente ans. A l’occasion de la Journée mondiale contre le VIH, Pourquoidocteur l’a interrogé.

Comment vivent les patients vieillissants ?

Alain Bonnineau : Les conditions de vie sont extrêmement variables. Ces personnes ont en commun d’avoir vécu longtemps sous traitement. Elles partagent des histoires professionnelles ou affectives chaotiques. Les ruptures liées aux traitements et aux maladies opportunistes ont compliqué la construction d’une carrière ou d’une famille. Beaucoup de ces personnes sont seules parce qu’elles ont perdu leur compagnon. Elles sont aussi dans une précarité importante : elles n’ont pas pu faire carrière, ou difficilement. Le troisième élément commun, c’est l’habitat. Conserver un logement est compliqué. Beaucoup se retrouvent avec les minima sociaux, ce qui ne permet pas des conditions de vie de qualité.

Ces difficultés affectent-elles les soins ?

Alain Bonnineau : Il est vrai que les soins sont pris en charge à 100 % quand ils sont liés au VIH. Mais les traitements de confort complémentaires n’entrent pas dans ce cadre alors qu’ils sont nécessaires au maintien d'une bonne qualité de vie. Il faut faciliter l’accès à ces médicaments, qui est compliqué avec les minima sociaux. Les thérapies complémentaires que sont l’acupuncture, la psychologie, ne sont pas prises en compte. Les soins optiques et dentaires sont très peu pris en charge. Mais comme souvent la situation financière des séropositifs est précaire, c'est encore plus compliqué pour eux.

La société a-t-elle évolué en même temps que les traitements ?

Alain Bonnineau : Elle a été bousculée. Il n’était pas programmé que ces personnes vivent si longtemps. Aucun dispositif ne les a pris en compte. Le sida, au départ, était une maladie des jeunes. 30 ans plus tard, il a atteint les sexagénaires. Les personnes vivent mieux grâce aux traitements. Mais il y en a de plus en plus et la contamination reste importante.

La prise en charge s’en ressent-elle ?

Alain Bonnineau : La société n’a pas prévu les dispositifs d’accueil des personnes qui ont eu des parcours de vie compliquées, et se retrouvent démunies. En 2013, on a organisé une conférence de consensus avec les acteurs du secteur sanitaire, virologique, gérontologique, pour essayer d’anticiper cette montée en charge. Ces personnes ont des traitements lourds. Pour entrer dans les EHPAD, le coût de leur prise en charge va être soulevé. Les frais des soins sont souvent une cause d’exclusion non avouée des personnes séropositives âgées dans les dispositifs collectifs. Si on ne fait pas de travail pour optimiser cette qualité d’accueil, pour mobiliser les acteurs du droit commun, cela restera compliqué. Aujourd’hui, il faut se saisir de cette question.

Comment améliorer les choses ?

Alain Bonnineau : Il faut aussi intégrer dans le parcours des acteurs auxquels les personnes séropositives ne pensent pas forcément. Un patient ne connaît que ses virologues au départ. A mesure qu’il vieillit, il rencontre d’autres acteurs – des urologues, des cancérologues par exemple. Ceux-ci doivent être prêt à accueillir des séropositifs qui, en vieillissant, se rapprochent de la réalité de la population générale. On est confrontés à des cancers, du diabète… et on se retrouve dans des environnements auxquels on n’était pas préparés. En face de nous, les professionnels ne maîtrisent pas bien la problématique et ne prennent pas en compte le parcours d’un séropositif contaminé dans les années 1980 et survivant aujourd’hui.

Cela se traduit comment ?

Alain Bonnineau : Les acteurs de la vie quotidienne, présents dans les années 1980, traitaient des personnes fatiguées, presque en fin de vie. Aujourd’hui, elles sont dans un parcours de vie mais pas en fin de vie. Elles ont quand même des handicaps et les travailleurs de l’aide à domicile, qui ont déserté ce public, doivent à nouveau prendre en charge ces personnes. On voit réapparaître des inquiétudes liées à la transmission du virus. Elles n’ont plus lieu d’être mais elles restent des freins. Il faut beaucoup de formation et de sensibilisation des acteurs médico-sociaux. Ensuite, il faut aussi former et sensibiliser les personnes vieillissantes sur les droits qui leur sont ouverts, et peut-être reconsidérer l’accompagnement administratif.

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