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Semaine nationale

Endométriose : une campagne pour en finir avec les préjugés

Par Audrey Vaugrente

Une femme sur dix est touchée mais l'endométriose reste méconnue. La campagne soutenue par le ministère de la Santé vise à lever les tabous autour de cette maladie. 

©Stocklib/staras

Pendant les règles, la douleur empêche les femmes qui en souffrent de sortir du lit. Les rapports sexuels, parfois, sont pénibles. Avec le temps, la souffrance s’étend au dos et au bassin. En France, ces symptômes sont le lot quotidien de milliers de femmes. Leur peine porte un nom : l’endométriose. Identifiée en 1860, la maladie est longtemps restée dans l’ombre. Ce 8 mars, associations, médecins spécialistes et ministère de la Santé s’associent pour la première fois autour d’une campagne d’information nationale.

Informer les patientes

« Les règles c’est naturel, pas la douleur » : voilà le slogan du site Info endométriose. La maladie est fréquente, puisqu’elle touche 10 à 15 % des femmes françaises, mais ses symptômes sont souvent méconnus. Résultat : il s’écoule en moyenne sept ans entre l’apparition de ceux-ci et l’annonce du diagnostic. « L’objectif de cette campagne est avant tout d’informer le grand public, de réduire le retard diagnostic, souligne Chrysoula Zacharopoulou, chirurgien gynécologue à l’hôpital Armand-Trousseau (Paris) et coordinatrice de la campagne. Il est important d’informer les femmes atteintes d’endométriose, mais aussi les infirmières scolaires et les grands patrons… »

De fait, les règles douloureuses, au point de ne plus pouvoir bouger, c’est le premier signe d’alerte sur la présence d’une endométriose. Infirmières scolaires et médecins généralistes sont donc les premiers à pouvoir les repérer.

Ecoutez...
Chrysoula Zacharopoulou, chirurgien gynécologue (Paris) : « Si on veut réduire le retard diagnostic, la première personne à former est le médecin généraliste. »

 

Lever le tabou

Echographie ou IRM permettent de confirmer le diagnostic en mettant en évidence la présence de muqueuse utérine en dehors de l’utérus. La prise en charge est ensuite assurée par une équipe pluridisciplinaire spécialisée (voir encadré). Mais pour y parvenir, encore faut-il parvenir à lever la chape de plomb qui pèse autour de l’endométriose. Or, les règles douloureuses, cela reste un sujet tabou. En 2005, le Parlement européen a signé une déclaration écrite dans laquelle il appelle les Etats membres de l’Union européenne à lancer des campagnes d’information. La France n’y répond qu’en 2013.

C’est dire l’ampleur de la tâche. Chrysoula Zacharopoulou s’y est attelée avec acharnement, aux côtés des associations de patientes. Trop souvent, les femmes se sentent coupables de leur souffrance, explique-t-elle. « Notre première gynécologue, c’est notre mère. Elle nous explique qu’un peu de douleur pendant les règles, c’est normal, développe cette spécialiste. Quand on grandit avec cette mentalité, il y a un tabou autour d’une chose si intime. » Trois ans de campagnes ont tout de même permis de grandes avancées dans le domaine.

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Chrysoula Zacharopoulou : « La Haute Autorité de Santé a été saisie par Marisol Touraine pour de nouvelles recommandations. Il y a aussi un travail sur la prise en charge par des centres experts. »


Le lancement de cette campagne à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes tient aussi du symbole. Pour enfoncer le clou, un concert est organisé au Trianon. La chanteuse Imany, qui souffre elle-même d’endométriose, y chantera en compagnie de nombreux artistes.

 

La douleur peut être prise en charge

Sept ans d’errance diagnostique en moyenne. Sept ans de souffrance sans traitement. Les douleurs associées à l’endométriose peuvent pourtant être prises en charge de manière efficace. Lorsque la maladie est détectée suffisamment tôt, et que les lésions sont encore peu présentes, une pilule contraceptive peut suffire. « Arrêter les règles, avec une pilule en continu, évite que la maladie ne s’aggrave et soulage la patiente », souligne Erick Petit, radiolouge à l’hôpital Paris-Saint-Joseph.

Mais le diagnostic est trop souvent tardif. Les lésions ont donc eu le temps de s’installer, bien souvent au-delà du seul système reproductif. Les voies digestives et le bassin peuvent être touchés. Cela provoque de mauvaises postures et, à moyen terme, des pathologies osseuses et ligamentaires. Des approches non médicamenteuses sont alors indiquées en complément. « Le caractère douloureux est complexe et doit être abordé par une gestion de la douleur par des techniques physiques qui assouplissent le bassin », explique Erick Petit. Les équipes pluridisciplinaires accueillent donc des ostéopathes, des sophrologues, des mésothérapeutes… Autant de spécialités qui s’adaptent aux besoins de chaque patiente. « Cela peut être long à mettre en place mais, in fine, cela fonctionne très bien », ajoute le Dr Petit.

Dans certains cas, l’interruption des règles ne suffit pas. Soit parce que des lésions se sont déjà installées, soit parce que la patiente souhaite tomber enceinte. La chirurgie est alors nécessaire pour éliminer les lésions.

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Pr Charles Chapron, chirurgien gynécologue (hôpital Cochin, Paris) : « La chirurgie va permettre à la patiente d’être enceinte naturellement, s’il n’y a pas de facteur d’infertilité associé. »


Les femmes atteintes d’endométriose sont infertiles dans 25 à 50 % des cas. La chirurgie des ovaires peut également affecter la réserve ovarienne et donc augmenter le risque d’infertilité. Sans compter qu’il ne s’agit pas d’une solution définitive : après la chirurgie, une solution pérenne doit être définie pour éviter le retour des lésions. Le plus souvent, il s’agit d’un traitement hormonal.