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Compléments alimentaires : des bénéfices aux risques

Par La rédaction

Lutter contre la fatigue ou se protéger du cancer, les compléments alimentaires auraient de nombreuses vertus. Mais quand est-il exactement ? Les chercheurs répondent.  

ANGOT/SIPA
  Dossier réalisé en partenariat
avec 
Science et Santé,
le magazine de l'


Même les incrédules se laissent tenter en se disant qu’une petite cure ne peut pas faire de mal, au pire, qu’elle n’aura aucun effet. Les compléments alimentaires ont de plus en plus d’adeptes. Pour preuve, l’étude NutriNet-Santé, menée depuis 2009 et coordonnée par Mathilde Touvier (1), montre que 15 % des hommes et 28 % des femmes en consomment au moins trois jours par semaine.
Des chiffres à mettre en regard de ceux du dispositif de nutrivigilance de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) qui enregistrait en décembre dernier 282 signalements d’effets indésirables liés à leur consommation. Les compléments alimentaires sont donc séduisants, mais pas tous anodins.

Comment s'y retrouver

Parmi les compléments alimentaires aux bénéfices avérés, il est admis que l’acide folique, pris avant et durant le premier trimestre de grossesse, permet de prévenir la spina bifida, une malformation congénitale. D’autres pallient le déficit (2) de nutriments (3) dû à des situations particulières.

Ainsi, « il a été montré que les compléments polyvitaminés sont bénéfiques après des opérations du tube digestif, et que le fer et la vitamine B12 peuvent se justifier pour les femmes ayant des règles particulièrement abondantes », indique Jacques Fricker (4), nutritionniste à l’hôpital Bichat à Paris. Dernier exemple : la vitamine D, utile en cas de déficit en ensoleillement, pour les enfants en pleine croissance et les personnes âgées susceptibles de souffrir d’ostéoporose (5).

A contrario, d’aucuns peuvent nuire à la santé de certains consommateurs. Les vitamines A et E sont déconseillées aux femmes enceintes car elles peuvent engendrer des malformations congénitales chez leurs bébés. Autre exemple, la vitamine D, dont une étude américaine indique que le risque de cancer du sein invasif a augmenté chez les femmes en prenant plus de 600 UI (6) ; un phénomène qui va être étudié chez les Françaises dans le cadre de l’étude VitaOx, menée par Mathilde Touvier et Marie-Christine Boutron-Ruault (7).
On peut aussi citer les compléments alimentaires à base de phytoestrogènes (8), en particulier ceux issus des isoflavones de soja, que l’Anses déconseille aux personnes ayant, ou ayant eu, un cancer hormonal dépendant (9), et aux malades traités avec le tamoxifène ou le lézotrozole, qui bloquent respectivement l’action et la fabrication des œstrogènes.

Des interactions médicamenteuses
Le second problème rencontré est l’interaction avec les médicaments. Diverses études mettent en garde sur ce phénomène, notamment pour le millepertuis, qualifié d’antidépresseur naturel, qui interagit avec vingt familles de médicaments.
Par ailleurs, ces interactions ne sont pas sans conséquence, comme en témoignent les 25 signalements d’effets indésirables reçus par l’Anses suite à la consommation de compléments alimentaires à base de levure de riz rouge. En l’occurrence, le risque identifié est que ce produit fasse double emploi avec les traitements anti-cholestérol à base de statines (10)

Des compositions soient falsifiées

Les effets négatifs peuvent aussi venir de doses trop fortes ou d’associations « malheureuses » comme pour la p-synéphrine qui cumule les deux travers. Ce composé, obtenu à partir d’écorce d’orange amère, est vendu comme complément minceur. Or, en mai dernier, l’Anses a rendu un avis indiquant que ces produits ne doivent pas dépasser une teneur de 20 mg en p-synéphrine, ni renfermer de la caféine « en raison de leurs effets cardiovasculaires cumulés, voire synergiques, » précise l’Agence.
Enfin, il arrive que les compositions soient falsifiées. « Nous venons d’analyser 150 compléments alimentaires à visée érectile et 130 amaigrissants, indique Myriam Malet-Martino (11), 61 % des premiers et la moitié des seconds sont non conformes. » Si on prend ce genre de produits, on a donc une forte probabilité de consommer aussi un médicament, ou une molécule jamais évaluée chez l’homme, ou un traitement interdit.



Françoise Dupuy Maury
Science et Santé, le magazine de l'Inserm  

(1) Mathilde Touvier : unité 1153 Inserm/Cnam/Université Paris 13/Université Paris 7- Denis-Diderot/ Université Paris-Descartes – Centre de recherche en épidémiologie

et statistique Sorbonne-Paris Cité

(2) Déficit : Taux d’un nutriment dans l’organisme qui entraîne un état de santé non optimal.

(3)Nutriment : Substance alimentaire qui n’a pas besoin de subir de transformations digestives pour être assimilée par l’organisme.

(4) Jacques Fricker : unité Endocrinologie, diabétologie, nutrition – Hôpital Bichat-Claude-Bernard

(5) Ostéoporose : Maladie qui se traduit par une diminution de la masse osseuse entrainant une fragilité des os.

(6) UI (ou Unité Internationale) : Quantité d’un nutriment par rapport à son activité biologique (ses effets). Mesure fixée par un accord international et différente pour chaque nutriment

(7)Marie-Christine Boutron-Ruault : unité 1018 Inserm/Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines – Université Paris Sud 11 Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations

(8) Phytoestrogène : Oestrogène (hormone sexuelle) d’origine végétale

(9) Cancers hormonaux dépendants : Cancers du sein, de l’utérus, des ovaires, de la prostate, des testicules

(10) Statines : Molécules hypolipidémiantes utilisées dans la prévention des maladies cardiovasculaires

(11) Myriam Malet-Martino : UMR CNRS 5068, Université Toulouse III-Paul-Sabatier

 

Publications
J. A. Cauley et al. J Womens Health, 5 novembre 2013 ; 22 (11) : 915-29 doi:10.1089/jwh.2013.4270 
A.Sparreboom et al. J Clin Oncol,  15 juin 2004 ; 22 (12) : 2489-503 doi: 10.1200/JCO.2004.08.182
V.Gilard et al. J Pharm Biomed Anal, 22 octobre 2014 ; 102C : 476-93 doi: 10.1016/j.jpba.2014.10.011