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Bilan, traitements, prévisions

Ebola : 5420 décès et quelques signes d'espoir

Par Marion Guérin

L’épidémie d’Ebola qui sévit en Afrique semble montrer, enfin, des signes d’affaiblissement. Mais la situation est loin d’être réglée.

Katherine Mueller/I/NEWSCOM/SIPA

En février 2014, une épidémie d’Ebola se déclarait en Guinée, contaminant à vitesse grand V les pays voisins d’Afrique de l’Ouest. Petit à petit, la psychose gagnait la planète. D’abord sous-estimée, puis surévaluée, l’épidémie continue de faire les gros titres, mais l’élan de panique semble s’être émoussé. A juste titre ?

Bilans, traitements du virus, prévisions épidémiologiques… Pourquoidocteur fait le point sur la situation.


Bilan en Afrique
Le dernier bilan de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), daté du 14 novembre, fait état de 5 420 décès sur 15 145 contaminations à travers le monde. Mais l’agence onusienne estime que ces chiffres sont sous-évalués.

La très grande majorité des cas sont concentrés dans trois pays d’Afrique de l’Ouest, Libéria en tête. Dans ce pays, on décompte 2 964 morts pour 7 069 personnes infectées. En Sierra Leone, l'OMS a recensé 1 250 décès pour 6 073 cas. La transmission de l'épidémie y demeure « intense et très étendue avec 533 nouveaux cas en une semaine », note l'OMS. La Guinée, elle, enregistre moins de cas de contaminations mais le taux de létalité est extrêmement élevé : 1 192 décès sur 1 971 cas. Au Mali, dernier pays touché, on compte 6 cas, dont 5 décès.

Bonne nouvelle, malgré tout : le Nigéria et le Sénégal ne font plus partie de la liste des pays où sévit l’épidémie. Les deux pays ont connu un nombre limité de personnes contaminées : 20 (dont huit morts) au Nigéria et une seule au Sénégal, un étudiant guinéen dont la guérison a été annoncée par les autorités le 10 septembre. La République Démocratique du Congo a également été retiré de la liste, après avoir subi une épidémie d’une autre souche d’Ebola (70 cas, 49 décès).

Les membres du personnel de santé sont en première ligne du virus, avec 329 morts sur 584 contaminations.

Bilan hors Afrique
Seuls trois cas se sont déclarés hors d’Afrique depuis le début de l’épidémie, ce qui relativise les soupçons de pandémie mondiale. La première patiente, une aide-soignante espagnole, a été infectée à l’hôpital de Madrid au contact de deux missionnaires qui avaient contracté le virus en Afrique et sont décédés des suites de la fièvre hémorragique.

Les deux autres cas se sont déclarés aux Etats-Unis. Il s’agit d’infirmiers qui avaient traité un patient libérien à l’hôpital de Dallas. Thomas Eric Duncan était passé entre les mailles des contrôles internationaux. Ses symptômes s’étaient développés un jour après son arrivée aux Etats-Unis. Il est aujourd’hui décédé.

La France a accueilli deux patients Ebola – une infirmière MSF, aujourd’hui guérie, et un membre du personnel de l’OMS qui se trouve toujours à l’hôpital Bégin. On ignore dans quel état il se trouve. Selon nos informations, il est arrivé en France à un stade déjà très avancé de la maladie.

Des prévisions alarmistes et anxiogènes
Globalement, même si l’épidémie est loin de disparaître, les efforts des ONG et de la communauté internationale commencent à produire leurs effets. D’ailleurs, la semaine dernière, Médecins Sans Frontières s’est réjoui de la toute première baisse du nombre de cas au Libéria, mais avec beaucoup de prudence. « Ce déclin du nombre de cas pourrait n'être que temporaire, comme il l'a été à deux reprises en Guinée, avant d'être suivi d'une reprise de l'épidémie ».

Heureusement, on est très loin des prévisions catastrophiques avancées depuis quelques mois. En septembre, des chercheurs américains estimaient, modèle mathématique à l’appui, que 100 000 personnes auraient contracté le virus d’ici décembre. Les prévisions des Centres fédéraux de contrôle et de prévention des maladies (CDC) américains n’étaient guère plus optimistes. Ceux-ci prédisaient en septembre 1,4 million de cas d’ici janvier.

« Ces prévisions se fondent sur la phase croissante des débuts de l’épidémie, explique l'épidémiologiste Antoine Flahault, spécialiste de la biomathématique. Or, dans les premiers mois, une courbe épidémique est toujours exponentielle. Ce qui explique que les prévisions à long terme produisent souvent des chiffres extrêmement importants – et extrêmement faux ».

« En vérité, on n’est pas capable de prédire l’imprévisible. On ne devrait pas émettre de prévisions à plus d’un mois. Car au-delà, on se trompe presque toujours ». Antoine Flahault sait de quoi il parle. En 2009, cet épidémiologiste avait prédit qu’un tiers de la population française allait contracter le virus de la grippe A (H1N1), et que 30 000 personnes allaient en mourir. « Justement, je tire les leçons du passé… ».

Ecoutez Antoine Flahault, épidémiologiste, spécialiste de la biomathématique : « Ces prévisions permettent d’alerter… Mais on ne doit pas faire de prévisions catastrophiques pour mobiliser les troupes ! »



Le vaccin toujours attendu, les laboratoires sur le coup
Du côté des traitements contre Ebola, la recherche est en pleine ébullition. S’ils ont longtemps boudé le virus, rare et peu rentable, les laboratoires pharmaceutiques font désormais la course pour trouver le remède magique. Mais pas assez vite, selon le responsable Ebola de l’OMS, qui dénonce la réticence de l’industrie à se pencher sur les cas Ebola.

« Historiquement, il n’y a jamais vraiment eu d’investissements dans les maladies tropicales, explique-t-il dans une interview à ABC News. Quand vous produisez des traitements pour des maladies aussi rares qu’Ebola… il n’y a pas vraiment de marché, donc pas de viabilité commerciale ».

Mais en quelques mois, les laboratoires ont bouleversé leur ordre de priorité. Ainsi, deux vaccins sont à l’étude – l’un, à l’essai au Mali, développé par la firme britannique Glaxo Smith-Klein, et l’autre par l'agence de santé publique du Canada à Winnipeg. GSK a annoncé que 10 000 doses seront disponibles début janvier, mais la commercialisation n’aura pas lieu avant 2016.

« C’est vrai qu’à priori, Ebola n’est pas rentable, explique François Bricaire, chef du service Maladies infectieuses et tropicales à la Pitié-Salpêtrière. Mais le virus peut le devenir avec la médiatisation d’une épidémie qui va nécessiter des réflexions pour vacciner plus largement, aussi bien le personnel soignant que les populations locales ».