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Fin de vie

Grand prématuré : faut-il donner plus de poids à l'avis de la famille ?

Par Marion Guérin

A quelques semaines de la publication de son rapport sur la fin de vie, le Comité national d’éthique souhaite réviser procédure collégiale et impliquer davantage la famille. Une mauvaise idée, selon Jean Leonetti.

Jerome Delay/AP/SIPA
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Le comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’apprête à publier son rapport sur la fin de vie. Dans un avis publié sur son site, dans le cadre de l’affaire Vincent Lambert, il plaide pour une révision de la procédure collégiale prévue par la loi Leonetti, et souhaite impliquer davantage la famille dans la décision d’arrêt des soins d’une personne malade.

Le médecin, « juge et partie »
Le texte aborde la « question centrale du jugement pour autrui » - lorsqu’un malade ne peut plus s’exprimer de lui-même. Un point essentiel, soulevé par l’affaire Vincent Lambert mais aussi par celle du grand prématuré de Poitiers. Les auteurs s’interrogent : « Devons-nous admettre qu’un tiers puisse savoir si la vie de cette personne doit continuer à être vécue, et qu’il puisse juger de la qualité de sa vie ? »

Pour les membres du comité d’éthique, la procédure collégiale, place dans le médecin dans une situation « particulièrement difficile ». Seul habilité à décider de l’arrêt ou de la poursuite des soins, il serait à la fois « juge et partie ». « La décision, dans une telle situation d’incertitude, ne peut relever de la seule expertise médicale, et, pour cette raison, ne devrait pas être prise par le seul médecin », écrivent-ils.

Vers une « décision collective »
Pour le CCNE, la délibération ne doit pas être conçue comme « une discussion collégiale entre experts » et doit être « mise en œuvre de manière beaucoup plus large ». D’une « délibération collective » prévue par la loi Leonetti, il souhaite donc passer à une « décision collective », prise au cas par cas avec le personnel soignant, la famille et les proches.

Mais le cas Vincent Lambert a montré combien il pouvait être difficile d’obtenir un consensus sur la décision de fin de vie, y compris au sein de la famille. Les auteurs du texte plaident donc pour une processus de « médiation » en cas de désaccord, impliquant une tierce personne « impartiale, neutre, sans pouvoir décisionnel » et indépendante de l’administration hospitalière.

« Il n’y aura que des perdants »
Mais pour Jean Leonetti, auteur de la loi sur la fin de vie, réviser la procédure collégiale serait une erreur. « Sur le plan éthique et déontologique, il faut réfléchir : comment appliquer une décision collective ? S’il y a des avis divergents, il faudrait les soumettre à un vote – de la famille contre les médecins, ou au sein de l’équipe médicale dissociée, ou, pire, au sein de la même famille, avec une partie qui aurait « gagné » contre l’autre partie… Je vous laisse imaginer à quel point ce serait violent et très négatif. Il n’y aurait que des perdants, dans cette opération. », estime-t-il.

Le député des Alpes-Maritimes insiste sur le fait que le concept de décision collective « ne correspond à aucune réalité juridique ». Même si « les arguments non médicaux pèsent », il juge que la décision d’arrêter des soins doit se fonder sur des motifs exclusivement médicaux, dénués de toute passion. Le débat est ouvert.