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L’Agence européenne du médicament se rapproche des industriels

Par Marion Guérin

L’EMA rejoint la branche « entreprise » de la Commission. Dans une lettre conjointe, la revue « Prescrire » et le British Medical Journal (BMJ) dénoncent une décision « incompréhensible ».

GILE MICHEL/SIPA
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« M. Juncker, le médicament n’est pas une marchandise… » C’est par ce rappel indigné que débute la lettre rédigée à deux mains adressé au président de la Commission européenne, par la revue Prescrire et le BMJ. Une alliance internationale de la presse médicale pour dénoncer « l’immense  déception » provoquée par la récente décision de la Commission.

« Desintérêts industriels et économiques à courte vue »
Jean-Claude Juncker a, en effet, donné son aval pour rattacher l'Agence européenne du médicament (EMA) et la politique des produits de santé, à la branche « Entreprises » de la Commission. La décision a provoqué un raz-de-marée « chez tous ceux qui donnent la priorité à la santé publique en Europe», écrivent les auteurs, qui s’émeuvent d’un « incompréhensible retour en arrière ».

De fait, en 2009, l’Agence européenne du médicament s’était séparée du secteur « entreprise » de la Commission. Elle avait alors quitté la « DG ENTR » (Entreprise et Industrie) pour rejoindre la « DG SANCO » (Santé et Consommateurs). « De très nombreuses voix se sont fait entendre, dont la nôtre, pour saluer ce rattachement, réclamé depuis longtemps, meilleur gage d’une priorité donnée à la santé publique et aux patients, plutôt qu’aux intérêts industriels et économiques à courte vue », poursuivent les auteurs de cette missive.

« Ne pas sacrifier l’intérêt général »
Fiona Godlee, rédactrice en chef du BMJ et Bruno Toussaint, directeur de la revue indépendante Prescrire, disent observer l’activité de l’EMA depuis sa création, en 1995. « Les intérêts industriels y sont en permanence puissamment défendus, affirment-ils. Trop de médicaments mis sur le marché européen ne représentent pas de progrès tangible pour les patients, voire sont de véritables régressions. »

Les auteurs supplient Jean-Claude Juncker de ne pas « sacrifier l’intérêt général » et soulignent, lucides : « Nous avons l'impression que votre décision a été prise sous l'influence d'intérêts commerciaux. Mais il vous est encore possible d'en prendre une meilleure, mieux tournée vers l'avenir, dans l’intérêt des patients européens et de la santé publique. » A bon entendeur…