- Depuis la petite enfance, Lucile présente des symptômes évocateurs du TDAH, comme l’hyperactivité, des problèmes de concentration, de mémoire de travail, des difficultés dans les apprentissages, d'impulsivité et d'incompréhensions menant à des problèmes relationnels.
- À presque 30 ans, elle reçoit, dans un premier temps un diagnostic d’autisme, qu'elle remettra en question, puis un diagnostic de trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité.
- Depuis presque quatre ans, elle bénéficie du méthylphénidate, qui lui "permet d’avoir une meilleure qualité de vie."
"Dès le plus jeune âge, je présentais des signes qui pouvaient faire penser au trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Je souffrais d’hyperactivité. En primaire, je ne tenais pas en place. J’étais toujours assise au fond de la classe, car les enseignants savaient que, même si je n’avais pas de mauvaises intentions, j’allais les déranger. J’ai également fait face à des problèmes relationnels. Plus précisément, depuis la maternelle, j’ai du mal à tisser des liens, car je ne manie pas bien les codes sociaux. Il m’arrive d’être trop impulsive", confie Lucile, aujourd’hui âgée de 33 ans. Ce n’est pas tout, elle rencontre aussi des difficultés d’apprentissage liées à des problèmes de concentration. Sa mémoire de travail, qui permet de stocker et de manipuler temporairement des informations, n’est pas efficace. "Il était impossible pour moi d’apprendre des leçons par cœur ou des poésies. En parallèle, j’étais épuisée et présentais des problèmes d’adaptation." À l’époque, les psychologues, chez qui ses parents l’emmènent, attribuent ses symptômes à des traumatismes, qui selon la patiente "n’ont pas eu lieu. Ils ont, je pense, surinterprété mes dessins et mon mutisme."
"Pour les épreuves du bac, j’ai même été major de promo. Ma prof a dit que je ne méritais pas ce diplôme"
En grandissant, la cheffe de projet pour le Centre d'excellence des troubles du neurodéveloppement (iMind) fait face à de nombreuses réflexions liées à ses symptômes. "À l’école, au travail, j’ai toujours été confrontée à des remarques désobligeantes. Par exemple, les enseignants ne comprenaient pas pourquoi mes notes fluctuaient autant et pourquoi j'étais très investie avec de bons résultats dans certaines matières et avais une implication et des résultats catastrophiques dans d'autres." Chez les personnes avec un TDAH, le circuit cérébral de la récompense, impliquant notamment la dopamine, présente une sensibilité différente : il réagit moins fortement aux stimuli habituels, ce qui peut entraîner une recherche accrue de gratifications immédiates. "Quand je ne suis pas intéressée par quelque chose, je suis très peu performante, mais lorsqu’une tâche déclenche ma motivation, ma concentration est stimulée par un déclencheur physiologique. C'est dans ces conditions que je m'implique et que donc je peux être performante ! Ici, ce n’est pas une question de volonté." Elle se souvient d’une critique faite par sa professeure principale après avoir obtenu son baccalauréat. "Cette année-là, je faisais partie des derniers de la classe. Pourtant, pour les épreuves du bac, pour lesquelles je n'avais pas révisé, car il m’était impossible de faire des devoirs ou de me concentrer en vie de révisions, j’ai été major de promo. Quand ma prof l’a su, elle a dit que je ne méritais pas ce diplôme et mes camarades de classe pensaient que j’avais triché. C’était blessant."
Un diagnostic d’autisme avec une suspicion de TDAH inexplorée
"En 2017 j'ai eu ma première expérience professionnelle en 35 heures. J'ai commencé à habiter seule et à devoir gérer tout le quotidien et l'administratif, ainsi que le travail. J'étais épuisée, je ne m'en sortais pas, et je suis tombée en dépression." À la suite de cette expérience, Lucile se résout à enchaîner les boulots alimentaires à mi-temps. Durant cette période, elle subit du harcèlement. "Je travaillais et m'organisais différemment des autres, et cela à tout de suite généré des tensions. Et puis, il y a une tâche que l’on nous demandait de faire. À chaque fois, j’oubliais de la faire, mais au fond de moi, j’étais intimement persuadée de l’avoir fait. Cela m’a attiré les foudres de ma responsable qui n’a pas arrêté de m’épier. Après cela, plus personne ne me parlait et même me saluait quand j’arrivais au travail." Par la suite, elle décide de consulter des spécialistes. Après des entretiens approfondis et des tests neuropsychologiques et de détection de problèmes d'interprétation des codes sociaux, elle reçoit un diagnostic d'autisme. Dans son bilan est également évoquée une suspicion de TDAH, mais le centre "n'a pas souhaité explorer cette piste, le TSA leur semblant plus proche de la réalité."
TDAH : "une interaction entre une vulnérabilité génétique et des facteurs environnementaux"
Un an plus tard, elle est toujours dans la même situation. "Après le diagnostic, je ne suis pas plus avancée. Je ne peux toujours pas travailler correctement, c'est-à-dire sans être épuisée ou mise à l'écart. Je me tourne alors vers l’association Hypersupers TDAH France, qui m’oriente vers un neuropsychiatre. Ce spécialiste fait un examen très approfondi, en me posant de multiples questions et en interrogeant également mes proches. Peu de temps après, il m’annonce que j'ai un trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité." Il s’agit d’un trouble du neurodéveloppement. "Dans ce cas, il y a une interaction entre une vulnérabilité génétique et des facteurs environnementaux. Selon les hypothèses, il y a des déficits dans la transmission de l'information dans certaines zones cérébrales, notamment le cortex préfrontal qui est censé gérer à un niveau plus conscient plusieurs fonctions. Résultat : la régulation de l'attention et de l'inhibition est moins efficiente."
Il existe trois présentations du TDAH : mixte (le plus fréquent), celle à prédominance inattentive (le plus difficile à détecter) et celle à prédominance hyperactive (le moins courant). Le profil combiné a de l'inattention, de l'impulsivité et de l'hyperactivité. Celui inattentif, qui est très discret, n'a pas de composante impulsive ou hyperactive. Enfin, le profil hyperactif n'a pas d'inattention, mais présente surtout beaucoup d'hyperactivité et d'impulsivité. "On parle d’inattention quand l’attention est déréglée, en cas de rêveries excessives, de problèmes de mémoire de travail, de perception du temps et de communication. Par exemple, le fait de passer du coq-à-l’âne ou de parler en continu sans se soucier de son interlocuteur. L’impulsivité fait référence à l’impatience démesurée, à une absence de filtres, au fait de couper la parole aux autres, à la prise de risque et à un désir régulier de changer de vie du jour au lendemain. Quant à l’hyperactivité, elle correspond au besoin d’occupation, à des mouvements permanents, aux angoisses à l’idée de s’ennuyer, à des difficultés à se détendre, à des micro-mouvements (se ronger les ongles, jambes qui sautent) et à des difficultés à s’endormir." Les personnes vivant avec ce trouble peuvent également faire face à des difficultés professionnelles, des problèmes de la régulation émotionnelle, être plus vulnérables aux addictions (sucre, café, tabac, alcool, jeux vidéo, sexe…) et sont plus souvent harcelées statistiquement, et certaines deviennent à leur tour harceleuses.
"Il y a un lien génétique. Dans ma famille, beaucoup présentent l'ensemble des symptômes"
Lors du diagnostic, peu d’informations sur la cause de son TDAH lui ont été données. "Selon la littérature scientifique il y a un lien génétique. D'ailleurs dans ma famille, beaucoup présentent l'ensemble des symptômes. Étant donné que la cheffe de projet se pose de nombreuses questions auxquelles elle n’avait pas de réponse, elle crée un site (https://tdah-age-adulte.fr/) pour aider les personnes concernées, leurs familles, ainsi que les professionnels (encore peu formés en France). En termes de traitement, la trentenaire, désormais suivie par un psychiatre, prend, depuis presque quatre ans, le seul traitement disponible en France : le méthylphénidate. "Comme beaucoup, et contrairement aux recommandations pour l'adulte, j'ai débuté avec une libération immédiate, généralement efficace sur une plage de 2 à 4 heures. Puis je suis passée à ma demande à la libération prolongée, qui sur le papier est efficace de 6 à 12 heures selon la marque. Problème : mon métabolisme est très rapide, le médicament est donc trop vite éliminé. J'ai donc dû changer les prises, pour en prendre trois fois par jour. Cela me permet maintenant d'avoir une bien meilleure qualité de vie !"



