- Des chercheurs étudient l’usage de la psilocybine, issue des champignons hallucinogènes, pour traiter le syndrome de l’intestin irritable (SII) résistant aux traitements classiques.
- Leur approche combine thérapie psychédélique et neurosciences pour aider les patients à mieux percevoir et interpréter les signaux de leur corps.
- Cette piste offre un nouvel espoir à ceux pour qui aucune solution n’a encore fonctionné.
Le syndrome de l’intestin irritable (SII), qui touche environ 5 % de la population française, est un trouble du fonctionnement de l’appareil digestif qui provoque douleurs abdominales, spasmes, brûlures, diarrhées et constipation, mais également des maux de tête ou encore une fatigue chronique.
Pour la première fois, une équipe de chercheurs, pilotée par Dre Erin Mauney, gastro-pédiatre à l’Université Tufts (Etats-Unis) (Boston), s’est penchée sur le potentiel de la psilocybine — le composant actif des champignons hallucinogènes — pour traiter le syndrome de l'intestin irritable (SII) résistant aux traitements conventionnels. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Psychedelics.
Un lien sous-estimé entre le stress et l’intestin
Les patients qui consultent la Dre Mauney souffrent souvent depuis des années. Médicaments, régimes, approches alternatives : rien n’a fonctionné. "Ce groupe de patients représenterait plus de 60 % des personnes atteintes de SII, selon certaines études", souligne la spécialiste dans un communiqué. Pour eux, cette nouvelle piste à base de psychédéliques suscite à la fois surprise et espoir.
L’approche de la Dre Mauney se concentre sur l’intéroception, c’est-à-dire la façon dont une personne perçoit et interprète les signaux internes de son corps. Chez les patients atteints de SII, ces signaux sont souvent déformés : hypersensibilité digestive ou déconnexion totale. La psilocybine, combinée à un accompagnement psychologique, pourrait "réinitialiser" cette communication interne.
"Je suis devenue très intéressée par l’application de la médecine assistée par psychédéliques pour les patients qui semblent en guerre contre leur propre corps", explique la chercheuse. Pour elle, les troubles digestifs chroniques sont en effet souvent liés à des traumatismes infantiles non résolus.
Réapprendre à ressentir son corps
Le protocole de l’étude combine deux prises de psilocybine avec des séances de thérapie, associées à des IRM fonctionnelles et des entretiens approfondis. L’objectif : observer comment les patients réapprennent à ressentir leur corps. "Durant ma formation médicale, j’ai pris conscience de la fréquence des traumatismes précoces dans la vie des patients", rappelle-t-elle. Et de pointer l’incapacité de la médecine actuelle à vraiment intégrer cette dimension.
Des freins importants subsistent : la psilocybine reste illégale en dehors des essais cliniques et les effets à long terme sont encore inconnus. Mais pour ceux qui vivent avec un SII réfractaire, cette démarche innovante pourrait enfin apporter un soulagement durable. "Cette étude apporte une nouvelle option pour les patients qui n’ont été aidés par aucune approche existante du SII", conclut la Dre Mauney.