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Aspirine, ibuprofène, paracétamol

Grippe : faire baisser la fièvre fait grimper l'épidémie

Par Audrey Vaugrente

Lutter contre la fièvre quand on souffre d’une grippe est bon pour l'organisme, pas pour ses voisins. Une étude montre que les antipyrétiques augmentent le nombre d’infections.

J.M. Guyon - Copyright 2/AP/SIPA

« Quand ils ont la grippe, les gens prennent souvent des médicaments pour combattre la fièvre. Personne n’aime se sentir mal, mais il s’avère que ce confort à un prix, l’infection des autres », explique le Dr David Earn, auteur principal d'une étude publiée ce 22 janvier dans la revue Proceedings of the Royal Society B. Lutter contre la fièvre accentue les épidémies de grippe. Tel est le résultat d’une modélisation de l’université McMaster (Canada).

 

Des épidémies amplifiées de 5%

Aspirine, paracétamol et ibuprofène sont visés dans cette étude. Ils sont généralement prescrits aux patients grippés, afin de lutter contre la fièvre. Mais cela ne signifie en rien qu’ils ne sont plus contagieux, comme l’explique le Dr Earn : « Les gens pensent que le risque d’infection est réduit parce que la fièvre est plus faible. En fait, c’est le contraire : il est possible que les malades libèrent plus de virus parce que leur fièvre a été affaiblie. »

 

Pour parvenir à ces conclusions, l’équipe de l’université McMaster a rassemblé les résultats d’études sur l’être humain et le furet, modèle animal le plus proche pour la grippe humaine. Certaines avaient démontré que le furet expulse davantage de particules virales lorsqu’il a reçu des antipyrétiques. Les chercheurs ont utilisé un modèle mathématique pour évaluer dans quelle mesure cette donnée est applicable à l’homme. Un traitement pour abaisser la fièvre chez un patient grippé augmenterait de 5% le nombre de cas pour une grippe saisonnière. Selon les données du réseau Sentinelles, 2,4 millions de Français sont atteints chaque année par le virus. Au moins 120 000 patients grippés pourraient être épargnés selon la modélisation de l’université McMaster, qui n’inclut pas la durée de contagiosité allongée ou la propension des malades à quitter leur domicile.

 

Une fièvre bénéfique

Lutter contre la fièvre est-il bénéfique dans le cas d’une grippe ? Cette réaction peut stimuler la réponse immunitaire et combat le virus. Les chercheurs ne comprennent pas encore son fonctionnement, mais savent qu’elle est un symptôme de maladie. « Parce que la fièvre peut effectivement aide à diminuer la quantité de virus dans le corps d’un malade, et réduire les risques de les transmettre aux autres, prendre des médicaments qui la diminuent peut augmenter la transmission », estime le Dr Earn.

 

Cette étude pourrait donc ajouter de l’eau au moulin des détracteurs des antipyrétiques. « Comme toujours, Mère Nature sait mieux que nous. La fièvre est un mécanisme de défense pour nous protéger, nous et les autres », martèle le Dr Paul Andrews. « On conseille souvent aux gens de prendre des antipyrétiques et les textes médicaux supposent que c’est sans danger. Cette opinion doit changer. » Le mouvement a déjà été amorcé à l’échelle des pédiatres. Ibuprofène et aspirine, potentiellement nocifs pour les enfants, ne leur sont plus prescrits. Le paracétamol, lui, est de moins en moins prescrit pour les fièvres modérées.

 

Pour se protéger de la grippe, quelques précautions simples peuvent être appliquées : se laver les mains régulièrement, éviter les transports publics lors d’un pic épidémique, se vacciner. Les patients grippés doivent quant à eux se confiner autant que possible. Pour éviter de contaminer leurs proches, il leur est recommandé de se couvrir les voies respiratoires avec un masque, se laver les mains plus souvent.