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Médicaments

Les génériques sur la sellette

Par Mathias Germain

Le marché du générique recule en France. Crise de confiance dans le médicament, changement des pratiques, des praticiens s'interrogent, dans certains cas, sur leur efficacité thérapeutique .

DUCLOS/SIPA

Un médicament acheté sur quatre est un générique. Cela fait douze ans que ces copies légales de médicaments tombés dans le domaine public sont disponibles en France. Mais pour la première fois en 2011, les ventes de génériques sont en baisse. Le nombre de boîtes écoulées a reculé de 3%, après une hausse de 6% en 2010, selon le syndicat des fabricants de génériques (Gemme). Comment s’explique cette baisse alors que les pouvoirs publics et l’assurance maladie poussent par mesure d’économie les pharmaciens à les vendre et les médecins à les prescrire ?

Est-ce le scandale du Médiator qui créé un climat de défaince sur tous les médicaments ? Certains industriels comme Pascal Brière, le président du Gemme, le déplorent. Le marché global du médicament stagne en 2011. Les experts du secteur notent aussi que les médecins ont tendance à réduire leurs prescriptions. En outre, le retrait de plusieurs médicaments jugés dangereux par les autorités sanitaires a certainement joué. L’arrêt de la vente des produits associant dextropropoxyphène et paracétamol (Di-Antalvic et ses génériques) a ainsi retiré plusieurs dizaines de boîtes du marché. Pour l’assurance maladie, ce fait explique en grande partie le recul des ventes de génériques sur 2011. Et constate que, en dépit de ses efforts, ce marché stagne.

En 2011, le taux de substitution par des génériques est tombé à 68 % alors qu’il était à 82 % en 2009. Selon certains pharmaciens, ce résultat s’expliquerait par la multiplication de la mention « non substituable » sur les ordonnances. « NS », c’est le droit de veto des médecins qui s’opposent dans certains cas à la substitution des médicaments qu’ils prescrivent par un générique. Pour Gilles Bonnefond, pharmacien et président d'un syndicat de pharmaciens d’officine (USPO), les médecins seraient de plus en plus nombreux, 15 %,  à l’inscrire sur leur feuille de soins. Frédérick van Roeckeghem, le directeur de l’assurance maladie, estime leur nombre à 4 %. « Un praticien qui ne pourrait pas justifier d’une raison médicale s’expose à une sanction », a-t-il rappelé en décembre dernier.


Les médecins auraient-ils des doutes sur les génériques ?
Il n’est pas rare qu’ils relatent le témoignage de patients déroutés par les présentations d’un même produit. D’autres vont plus loin et évoquent des effets secondaires. « La plupart, ce sont des effets secondaires de type allergique, témoigne Yves Juillière, cardiologue au CHU de Nancy.  Mais je constate des effets de moindre efficacité chez les patients. Par exemple en pathologie coronarienne, vous avez des gens qui prennent des produits pour diminuer le nombre de crises et qui trouvent, qu’avec le générique, il y a plus de crises qui surviennent. »

 

Pr Yves Juillière, cardiologue au CHU de Nancy : «il y a plus de crises allergiques qui surviennent.»
 


Le générique est-il la copie conforme du médicament d’origine 
? La définition du médicament générique stipule que la dose du principe actif doit être identique à celle du médicament référence. Ce sont donc l’ensemble des excipients et des procédés de fabrication qui différent. Pour qu’un générique soit considéré équivalent, « bioéquivalent », à la spécialité de référence, il faut que les valeurs exprimant la quantité et la vitesse de passage du principe actif au niveau de l’organisme ne diffèrent pas de plus de 20 %. « Il y a des génériques qui sont des copies conformes, c’est-à-dire que tout est semblable, ceux-là on peut les utiliser sans arrière-pensées, explique Yves Juillière. Mais il y a d’autres génériques qui sont différents de la référence par les excipients, par leur forme galénique. Il n’y a que le composé chimique qui est censé ne pas bouger mais même dans sa fabrication, les procédés peuvent être discrètement différents au point qu’on ne peut être absolument certain d’avoir au final un produit strictement identique». 


Pr Yves Juillière:
 « Il y a des génériques qui sont différents par les excipients, par leur forme galénique.»

 

Quelques études ont montré dans certains cas qu'il y a des différences entre le princeps et les génériques. L’année dernière, le Dr Rémy Gauzit, responsable du service de réanimation de l'Hotel Dieu à Paris, a passé en revue toutes les études qui comparaient les antibiotiques injectables et leur générique. Résultat : les génériques n’étaient pas tout à fait bioéquivalents.  « Il y a eu des publications sur des anti-épileptiques qui ne marchaient pas aussi bien, sur des génériques de pilules mini dosées, les hormones thyroidiennes.. énumère Rémy Gauzit. 


Dr Rémy Gauzit, responsable du service de réanimation de l’Hôtel Dieu (AP-HP) : 
« Il y a tout un faisceau d'arguments qui montre qu'un générique, ce n'est pas une copie exacte ».

 

 Mais loin de vouloir jeter les génériques à la trappe, les praticiens demandent surtout une meilleure évaluation des génériques avant leur commercialisation et après. Car le dossier d’autorisation de mise sur le marché (AMM) n’est pas le même que celui déposé pour le médicament d’origine. « Un laboratoire ne fournit qu'une étude de bio-équivalence sur un petit nombre de personne bien portante, explique Rémy Gauzit». 


Dr Rémy Gauzit : 
« Il faudrait sans doute une évolution de la réglementation pour redonner confiance».

 

Ce souhait est en train d’être exaucé aux Etats-Unis. L’agence américaine du médicament, la FDA, a présenté le 9 février dernier une série de propositions pour que les dossiers d'AMM des génériqueurs soient plus étayés, notamment sur la bio-équivalence. Elle va assez loin car des études d'efficacité clinique sont évoquées. La FDA a ouvert le débat avec les professionnels de santé et les industriels du médicament. Une piste que suivront peut-être les autorités sanitaires françaises et européennes…