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Grossesse à risque

Grossesse : la chirurgie de l’obésité double le risque de prématurité

Par Melanie Gomez

Les femmes ayant subi une chirurgie de l'obésité sont plus à risque d’accouchement prématuré. Elles doivent faire l'objet d'une surveillance adaptée.

DURAND FLORENCE/SIPA

« Une femme qui a subi une chirurgie de l’obésité, si elle prévoit une grossesse ou qu’elle est enceinte, doit absolument prendre contact avec une équipe spécialisée. C’est un message que l’on essaye de faire passer depuis plus de 3 ans, ce sont des grossesses à risque », explique le Pr Arnaud Basdevant, endocrinologue au CHU de la Pitié-Salpêtrière à Paris. 
Des propos confirmés par les résultats d’une étude publiée dans le British Medical Journal. A partir des données d’un registre suédois comprenant plus de 1 700 000 naissances enregistrées entre 1992 et 2009, les auteurs ont donc comparé les résultats de 2562 naissances issues de femmes ayant un antécédent de chirurgie bariatrique. Les chercheurs ont comparé le devenir de leur grossesse, à celui de cinq femmes non opérées, du même âge, avec un indice de masse corporelle (IMC) similaire en début de grossesse, le même statut tabagique et le même niveau d'éducation.

Au vu du développement de la chirurgie bariatrique ces dernières années, essentiellement chez les femmes, ces chercheurs ont donc tenté de mesurer si elles avaient davantage de risque d’accoucher prématurément ou de donner naissance à un bébé avec un faible poids par rapport à l’âge gestationnel. Ils ont également observé s’il y avait des différences en ce qui concerne les taux de mortalité in-utéro et de mortalité à la naissance par rapport aux femmes non opérées. 

Au final, ces scientifiques ont mis en évidence qu’il y avait effectivement davantage de naissances prématurées chez les femmes ayant subi un by-pass ou la pose d’un anneau gastrique. Leur risque d’accoucher avant 37 semaines de grossesse était quasiment multiplié par 2 par rapport aux autres femmes. De plus, elles avaient deux fois plus de risque d’avoir un bébé de faible poids par rapport à son âge gestationnel. En revanche, aucune différence n'a été détecté concernant pour les décès néonataux et intra-utérins.

 

Ecoutez le Pr Arnaud Basdevant, endocrinologue au CHU de la Pitié-Salpêtrière à Paris : «  Les plus petits poids de naissances sont retrouvés chez les femmes qui ont le plus maigri. »

 

Des désordres nutritionnels à surveiller de près 

Même s’il s’agit d’une étude observationnelle qui n’apporte donc pas d’explication à ces augmentations de risque, cette analyse met en reflet certaines situations désormais courantes dans les consultations post-chirurgie bariatrique. « Une femme qui a été opérée il y a 3 ou 4 ans, se sent très en forme, elle se préoccupe beaucoup moins de sa nutrition. Comme elle se sent presque normale, elle se dit, maintenant je vais être enceinte. Mais elle ignore que c’est une grossesse à risque », ajoute le Pr Arnaud Basdevant.
A cause de leur chirurgie de l’obésité, certaines femmes peuvent être par exemple en sous-nutrition pendant leur grossesse. Cependant, quelques conseils permettent de les aider à rétablir un équilibre alimentaire adapté à leur situation. D’ailleurs, en prévention de ces risques, les spécialistes recommandent à toutes ces femmes de bénéficier d’une consultation avant même la conception, afin de faire un point sur leurs habitudes alimentaires et dépister d’éventuelles carences. Les 37 centres français qui prennent en charge l’obésité sont tenus de proposer ce type de prise en charge à ces femmes.

 

Ecoutez le Pr Arnaud Basdevant : « Elles se sentent guéris, ce qu’on peut comprendre, mais il peut y avoir des carences nutritionnelles. Elles doivent être prises en charge par des nutritionnistes et obstétriciens dès le début de la grossesse et si possible avant. »

 

Au delà des risques mis en évidence, cette étude montre aussi que globalement les grossesses des femmes avec un antécédent de chirurgie bariatrique se déroulent bien. « Par rapport aux risques qu’encourent les femmes obèses enceintes, les grossesses après chirurgie de l’obésité sont plus sûres. D’autres études ont montré qu’il y a moins de risque de diabète gestationnel, d’hypertension, de macrosomie (bébés de gros poids), moins de complications obstétricales, donc il ne faut pas oublier qu’il y a quand même des bénéfices extraordinaires », conclut Arnaud Basdevant.
Malgré tout, pour les femmes qui viennent de subir ce type d’intervention, les experts rappellent qu’il y a tout de même un délai à respecter avant d’envisager une grossesse.

 

Ecoutez le Pr Arnaud Basdevant : « On recommande d’attendre un an ou un an et demi après la chirurgie avant d’envisager une grossesse, car c’est la 1ère année que la perte de poids est maximale. »