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Irak, Afghanistan, Guantanamo

Guerres : des médecins américains accusés de torture

Par Audrey Vaugrente

La torture n’a pas eu lieu qu’en Irak, selon un rapport publié aux Etats-Unis, qui dénonce une implication à différentes échelles des médecins et infirmières militaires.

Simulation du waterboarding lors d'une manifestation (RICHARD B. LEVINE/NEWSCOM/SIPA)
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Les médecins et psychologiques employés par le ministère de la Défense américain et la CIA ont violé l’éthique professionnelle en participant à des séances de torture en Irak, en Afghanistan et sur la base de Guantanamo. C’est ce qu’affirme l’Institute on Medicine as a Profession (IMAP) dans un rapport paru ce 4 novembre.
Depuis le 11 septembre 2011, les institutions militaires ont impliqué le personnel médical dans les méthodes d’interrogatoires, comprenant « la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants. »

 

Deux années de travail

Il a fallu deux années de travail sur des rapports publics pour parvenir à ces conclusions. « Au nom de la sécurité nationale, les militaires ont fait en sorte que les médecins soient engagés comme agents militaires et agissent de manière contraire à leur éthique et à leurs pratiques. Nous avons la responsabilité de faire en sorte que cela n’arrive plus, » martèle le Dr Gerald Thompson, membre du groupe de travail de l’IMAP. Selon les résultats, des médecins de l’armée ont été consultés sur les conditions de confinement destinées à désorienter et angoisser les détenus. Ils auraient aussi fourni des informations médicales sur leurs patients détenus et participé à des interrogatoires violents.

 

L’IMAP dénonce les méthodes d’interrogatoire « améliorées » développées par la CIA. Elles ont détourné celles utilisées pour former les agents à résister à la torture. Le groupe de travail va jusqu’à citer un mémorandum du Département de la Justice légalisant une série de ces « méthodes améliorées » pour les interrogatoires cruciaux. Cela va de la simple claque à la privation de sommeil en passant par le tristement célèbre waterboarding. Cette technique simule la noyade en plaçant un tissu humide sur un prisonnier allongé la tête vers le bas. De grandes quantités d’eau sont ensuite déversées sur le visage de l’interrogé, dont les poumons ne pourront pas se remplir.

 

Rupture de l’éthique médicale 

Mais ce n’est pas le pire, selon le rapport, qui évoque une participation active du corps médical aux tortures. Les médecins basés en Irak auraient signé des protocoles d’interrogatoire pour maximiser la désorientation des prisonniers. Le service médical de la CIA lui-même aurait joué un rôle critique dans la mise en place des nouvelles formes de torture. Une observation qui suscite la colère du président de l’IMAP, David Rothman. « Porter l’uniforme ne signifie pas, et ne devrait pas signifier, qu’on abroge le principe fondamental du professionnalisme médical. « Ne pas blesser » et « placer l’intérêt du patient en premier » sont deux principes qui doivent s’appliquer à tous les médecins, peu importe où ils exercent, » affirme-t-il en faisant référence au serment d'Hippocrate, que les médecins jurent de respecter.

 

Les médecins auraient en plus pâti d’un manque d’organisation. Le soin médical est jugé « chaotique » par le groupe de travail de l’IMAP. Sur l’île de Guantanamo, la mise en place des soins médicaux aurait pris plus de deux ans. Le personnel médical n’était cependant pas associé aux interrogatoires, il en état même exclu. En revanche, selon un sondage de 2005, 10% du personnel basé en Irak et 17% en Afghanistan auraient assisté aux séances. La loi du silence aurait régné pendant cette période. « Tout le personnel militaire a le devoir de rapporter des abus, » précise le rapport. « Mais jusqu’à 2004 au moins, les militaires n’ont prévu aucune politique ou procédure destinée au personnel médical. »

 

Les institutions nient

Ces allégations sont rejetées en bloc par les institutions concernées. Selon la BBC, la CIA et le Pentagone ont nié ces affirmations. Le chef des relations extérieures de la CIA, Dean Boyd, dénonce « de sérieuses inexactitudes et des conclusions erronées » dans le rapport de l’IMAP. « La CIA n’a aucun détenu sous sa garde, et le président Obama a fermé le programme SERE [Survie, Evasion, Résistance et Fuite – programme des forces armées américaines, ndlr]  par ordre exécutif en 2009. »

 

« Il est intéressant de noter […] qu’aucun des demandeurs n’a réellement eu accès aux détenus, aux dossiers médicaux ou aux procédures, » souligne le lieutenant-colonel J. Todd  Breassale, porte-parole du ministère américain de la Défense qui qualifie le rapport de « totalement absurde. » En effet, les membres du groupe de travail sont tous des civils et n’ont pas pu avoir accès à des documents classés. Cependant, les documents de travail utilisés compilent des minutes de procès, des documents de justice, des lettres de détenus à leurs avocats ainsi que des études.