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Plus d'infections au VIH, difficultés d'accès aux droits sociaux

La santé des prostituées inquiète les sénateurs

Par Bruno Martrette

Dans un rapport, deux sénateurs estiment la situation sanitaire et sociale des prostituées très dégradées. Ils proposent que celles qui veulent sortir de la prostitution bénéficient d’un accompagnement.

ROHMER/WPA/SIPA
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Reconnaître aux prostituées qui veulent quitter la prostitution le statut de victime, c'est la principale recommandation d'un rapport sénatorial sur la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées rendu public ce jeudi. Dans leurs conclusions, la sénatrice centriste Chantal Jouanno et le sénateur socialiste Jean-Pierre Godefroy plaident pour une prise en charge spécifique et un accompagnement adapté et personnalisé accessibles aux prostituées désireuses de s'en sortir. Après avoir voyagé en Italie et en Belgique pour voir les solutions qui marchent, et avoir participé aux maraudes de rue de l'association du Bus des femmes, ces politiques révèlent l'urgence qu'il y a à s'occuper des prostituées.

L’état de santé des prostituées est jugé préoccupant
Sur l'état de santé global des prostituées, la mission sénatoriale dresse le constat d’une grande vulnérabilité sanitaire chez ces femmes. De par leur activité professionnelle, les personnes prostituées sont évidemment plus exposées que la population générale au virus du VIH et aux autres infections sexuellement transmissibles. Concernant le taux d’usage du préservatif, il reste globalement élevé chez ces femmes, même si le niveau de protection dépend beaucoup du degré d’appropriation des messages et des pratiques de prévention, « ce qui explique la plus grande vulnérabilité sanitaire des personnes prostituées étrangères exerçant sous l’emprise des réseaux », soulignent les auteurs.
En outre, les personnes prostituées sont sujettes à diverses pathologies qui ne sont pas directement imputables à l’exercice de la prostitution, mais qui reflètent leurs conditions de vie. Ces troubles, pour la plupart chroniques, se retrouvent plus généralement chez les publics en situation de précarité. Il s'agit essentiellement de problèmes respiratoires, dermatologiques, digestifs, dentaires, etc. Et ces pathologies coexistent malheureusement avec divers problèmes psychiques, qui vont des troubles de la somatisation, du sommeil et de l’anxiété, à des maladies psychiatriques plus graves. « Les pensées suicidaires sont également beaucoup plus présentes chez les personnes prostituées, en particulier chez les transgenres, que dans la population générale », notent les sénateurs.
Et cette réalité, les prostituées en sont conscientes. Une étude de l'Invs révélait au mois de mars que plus d'une prostituée sur deux estime que son état de santé s'est dégradé.


L'accès aux droits sociaux reste difficile pour les prostituées

Les personnes prostituées bénéficient théoriquement des mêmes droits sociaux que les autres citoyens. Il leur est, en effet, possible de s’affilier à un régime de sécurité sociale et d’accéder ainsi à la couverture maladie et à l’assurance retraite. Toutefois, ces possibilités leur sont, dans la réalité, difficiles d’accès, dans la mesure où la prostitution ne constitue pas une activité professionnelle juridiquement reconnue, conformément à la position abolitionniste de la France.
La question de l’accès aux droits se pose en des termes différents s’agissant des personnes prostituées étrangères victimes des réseaux. Du fait de leur statut juridique précaire et de l’emprise exercée par leurs proxénètes, ces personnes sont, pour la grande majorité d’entre elles, très éloignées des dispositifs de prise en charge. La précarité financière, la barrière de la langue, la complexité des dispositifs et des démarches administratives, expliquent en partie ce phénomène. A cela s’ajoute la méfiance ressentie à l’égard des « institutions » chez bon nombre de ces femmes, juge le rapport.

Comment améliorer la vie des prostituées
Face à ces difficultés, le rapport suggère, par exemple, de développer l'utilisation des tests rapides d'orientation diagnostique (Trod) pour améliorer le dépistage du VIH.
Parmi les propositions qui pourraient changer la vie de ces femmes, les rapporteurs proposent notamment d'augmenter les subventions allouées aux associations, pour leur donner les moyens d'agir sur le long terme. Ils proposent aussi des mesures pour inciter ces femmes à cesser la prostitution, en leur accordant des remises fiscales gracieuses lorsqu'elles s'engagent dans un parcours d'insertion professionnelle. Ces derniers suggèrent également la possibilité d'accorder aux prostituées une allocation temporaire, ou encore de revoir les modalités de délivrance des titres de séjour pour celles qui ont déposé plainte contre leur proxénète.
Enfin, ces femmes qui souhaitent reprendre une nouvelle vie devraient aussi être hébergées « dans une structure adaptée », conclut le rapport.