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Impact de la Covid-19

"C’est déjà un coup dur d’avoir un cancer, voir son opération repoussée rajoute un stress en plus "

Par Geneviève Andrianaly

Depuis le début de la crise sanitaire, plusieurs chirurgies ont été déprogrammées pour laisser la priorité aux personnes atteintes de formes sévères de la Covid-19 mais aussi par manque de personnel. À l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer, le président de l’Institut de Cancérologie Sainte Catherine à Avignon, Roland Sicard, nous explique comment les malades ont vécu cette pandémie et comment son équipe s’est organisée pour que les patients ne soient pas exposés à des pertes de chances.

Ridofranz/iStock

- Pourquoi docteur : Comment les patients souffrant de cancer ont vécu ces deux ans de crise sanitaire ponctuée par des retards de dépistage et de prise en charge ?

Roland Sicard : Durant la première vague épidémique en 2020, de nombreux Français atteints d’un cancer ont vu leur opération annulée ou mise en attente. Cette situation a dérouté pas mal de malades. Après le confinement, on a tenté de rattraper les déprogrammations. Mais depuis juillet 2020, nous avons accumulé du retard faute de personnel suffisant mais également parce que nous avons dû accueillir des personnes touchées par la Covid-19. Résultat : le nombre de consultations et de scanners a augmenté et les plannings étaient serrés. Les patients, qui étaient ballottés, l’ont ressenti et s’en étaient rendus compte car ils ont été reçus à l’institut à flux tendu. C’est déjà un coup dur d’avoir un cancer, voir son opération repoussée leur a rajouté un stress en plus.

Toutes les situations, que l’on gérait de manière simple avant, sont devenues compliquées. Par exemple, auparavant, lorsqu’un malade ne se portait pas bien, on lui disait de venir à l’institut et on le gardait en observation pendant quelques jours. Aujourd’hui, ce n’est plus possible car il n’y a pas assez de place. Maintenant, c’est un luxe de pouvoir être admis à l’hôpital aussi facilement. Dorénavant, c’est le critère médical qui prend le dessus.

- Quels sont les soins qui ont dû être déprogrammés ?

Toute la filière imagerie en a pris un coup à cause de l’arrêt durant la première vague et du manque de radiologue. Plusieurs scanners, mammographies, radiographies, échographies ou encore IRM ont été repoussés. De nombreuses chirurgies, chimiothérapies et radiothérapies ont également été reportés. Problème : les opérations doivent être réalisées rapidement car les diagnostics ont été confirmés tardivement. En clair, on doit prendre plus de patients et plus vite.

- Les malades ont-ils compris ce choix de reporter des interventions chirurgicales pour accueillir des patients infectés par le coronavirus ?

Après la fin de la première vague épidémique, ça a été un tsunami pour nous. Mais heureusement, il y a eu beaucoup de compréhension et de résilience de la part des personnes atteintes de cancer. Un tiers des chirurgies ont été décalées et n’ont pas été reprogrammées. Le problème ne va pas se résoudre en trois mois car nous devons gérer les retards et faire face aux nouveaux cas de cancer.

- Quelles sont les conséquences de ces retards pour les patients ?

Les retards de dépistage peuvent diminuer les chances de survie lorsqu'on est atteint d'un cancer. Pour éviter cela, nous avons pris en charge certains patients en priorité, par exemple des jeunes femmes souffrant d’un cancer du sein à un stade avancé. C’était compliqué pour nous, mais grâce à nos efforts, les malades n’ont pas été exposés à des pertes de chances. Pour nous, la qualité de la prise en charge prime sur tout.

- Comment le personnel s’est-il organisé pour tenter de rattraper le retard ?

L’institut est ouvert jusqu’à 22 heures au lieu de 18 heures. Les patients viennent faire des scanners ou suivre leur traitement tard le soir, ce qui altère leur qualité de vie. Quant aux soignants, ils ont fait des heures supplémentaires et les médecins ont pris plus de consultations. Ils l’ont fait volontiers, mais à un certain moment, ils m’ont demandé pourquoi je ne recrutais pas d’autres professionnels de santé. Problème : il n’y pas assez de praticiens et d’infirmiers sur le marché du travail.

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