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Addictions

Alcoolisme : la kétamine facilite le sevrage

Par Mégane Fleury

Utilisée dans de petites doses et en complément d’un suivi psychologique, la kétamine est associée à une plus longue période d’abstinence. 

axelbueckert/istock
La kétamine appartient à la famille des psychotropes.
Elle est utilisée en anesthésique, en analgésique, en sédatif mais aussi contre les douleurs chroniques.
En France, l’alcool est la deuxième cause de mortalité prématurée.

"L'alcool peut détruire des vies, et nous avons un besoin urgent de nouvelles façons d'aider les gens à réduire leur consommation", affirme Celia Morgan, scientifique de l’université d’Exeter. Avec son équipe, elle a trouvé une solution potentielle : la kétamine. "Nous avons découvert que de faibles doses contrôlées de kétamine combinées à une thérapie psychologique peuvent aider les gens à s’abstenir plus longtemps en comparaison au placebo", explique-t-elle. Dans The American Journal of Psychiatry, elle et son équipe détaillent comment ils sont parvenus à cette conclusion.

Une période d’abstinence plus longue

96 personnes alcooliques ont été recrutées pour cette recherche. Avant l'essai, les participants buvaient tous les jours, consommant en moyenne l'équivalent de 50 pintes de bière forte par semaine, soit 125 unités d’alcool. Les chercheurs ont découvert que les personnes qui recevaient de la kétamine en parallèle de leur suivi psychologique restaient complètement sobres pendant 162 jours sur 180 au cours de la période de suivi de six mois, ce qui représente un taux d’abstinence de 87 %. Ce groupe était plus de 2,5 fois plus susceptible d'être complètement abstinent à la fin de l'essai en comparaison aux personnes sous placebo. Les patients ayant reçu de la kétamine avaient également moins de signes de dépression après trois mois et une meilleure fonction hépatique que ceux sous placebo. "C'est extrêmement encourageant, car nous voyons normalement trois personnes sur quatre reprendre une consommation excessive d'alcool dans les six mois suivant l'arrêt de l’alcool", souligne Celia Morgan.

Aucun risque pour le foie

Cet essai clinique de type II avait pour objectif principal de tester la sécurité et la faisabilité du traitement. "Auparavant, l'utilisation de la kétamine chez les alcooliques avait suscité des inquiétudes en raison de problèmes de foie, mais cette étude a montré que la kétamine est sûre et bien tolérée dans des conditions cliniques, indique Celia Morgan. En fait, nous avons constaté que la fonction hépatique s'améliorait dans le groupe qui a reçu de la kétamine, car ils buvaient beaucoup moins d’alcool." D’autres recherches seront nécessaires pour confirmer ces effets positifs de la substance.

Une manière de prendre du recul 

Dans un autre article scientifique, des chercheurs ont publiés des entretiens réalisés avec 12 participants à cette étude. L'auteur principal Merve Mollaahmetoglu a cherche à comprendre l’effet de la kétamine et de la thérapie sur eux. "La kétamine (…) peut stimuler un "état d'observateur" similaire à celui décrit dans la pleine conscience, ce qui peut aider les patients à prendre du recul et à considérer leurs pensées et leurs émotions, conclut-elle. Les participants nous ont dit que cette expérience les avait aidé à changer leur relation avec l’alcool." Ainsi, l’une des personnes interrogées confie avoir ressenti un "sentiment d’unité" et avoir réussi à s’éloigner de ses "petits soucis". "Je pense avoir utilisé l'alcool comme un auto-médicament et comme un outil de blocage et d’évitement", explique-t-elle. Comme la kétamine est un médicament déjà autorisé sur le marché, de nouvelles thérapies pourraient être proposées rapidement.