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Bactéries

Dix millions de morts par an en 2050 : la résistance aux antibiotiques, prochaine catastrophe sanitaire ?

Par Jean-Guillaume Bayard

Sans intervention, le problème des infections bactériennes multirésistantes pourrait empirer et dépasser le développement de nouveaux antibiotiques.

Dr_Microbe/iStock
En Europe, la résistance aux antibiotiques cause déjà plus de 33 000 décès par an.
L’un des soucis majeurs est que l’antibiorésistance n’est pas propre à une seule catégorie de bactéries ou de virus.
Des chercheurs américains ont identifié comment un agent pathogène qui se développe dans les hôpitaux et les milieux cliniques devient résistant.

On parle d’antibiorésistance lorsque des micro-organismes comme les virus ou les bactéries ont acquis la capacité de résister aux antibiotiques. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l’antibiorésistance est l'une des plus grandes menaces pour la santé, la sécurité alimentaire et le développement dans le monde, car il devient de plus en plus compliqué de se débarrasser d’agents potentiellement pathogènes. Rien qu’en Europe, la résistance aux antibiotiques cause déjà plus de 33 000 décès par an.

L’antibiorésistance est présente partout

Une nouvelle étude, publiée dans le journal scientifique mBio, indique que ce phénomène pourrait devenir la prochaine catastrophe sanitaire et causer près de 10 millions de morts dans le monde en 2050. L’un des soucis majeurs est que l’antibiorésistance n’est pas propre à une seule catégorie de bactéries ou de virus. Des espèces de bactéries totalement différentes peuvent se transmettre des gènes de résistance par l'intermédiaire de plasmides, des petites molécules d'ADN dans lesquelles elles stockent certains de leurs gènes en dehors du chromosome. Lorsque deux cellules bactériennes entrent en contact, elles peuvent mutuellement copier leurs plasmides, ce qui rend les deux espèces résistances aux antibiotiques.

Des agents pathogènes qui s’adaptent aux antibiotiques en 24 heures 

Pour tenter de contrer ce phénomène et éviter que l’antibiorésistance ne dépasse le développement de nouveaux antibiotiques, des chercheurs américains de l’université du Texas à Arlington travaillent pour identifier et inhiber les mécanismes de défense d'Acinetobacter baumannii, un agent pathogène qui se développe dans les hôpitaux et les milieux cliniques. A. baumannii peut provoquer des infections dans le sang, les voies urinaires et les poumons, ou dans des plaies dans d'autres parties du corps. Les infections sont généralement traitées avec des antibiotiques, mais de nombreuses souches sont résistantes aux médicaments, notamment les carbapénèmes, une classe d'antibiotiques très efficaces généralement réservés aux infections bactériennes multirésistantes sévères.

Dans des recherches antérieures, nous avons découvert que lorsque A. baumannii subit un stress, tel qu'un traitement antibiotique, il modifie son enveloppe cellulaire pour tolérer l'antibiotique pendant de longues périodes, précise Joseph Boll, auteur de l’étude. Des modifications spécifiques permettent aux bactéries de survivre assez longtemps pour acquérir une véritable résistance aux antibiotiques, ce qui peut conduire à l'échec du traitement antibiotique. Cela peut se produire dans les 24 heures suivant l'exposition aux antibiotiques.”

La résistance bactérienne progresse irrémédiablement

Les chercheurs ont identifié les adaptations dans l'enveloppe cellulaire qui permettent à l'agent pathogène de survivre en présence d'antibiotiques et comment la survie contribue à l'acquisition d'une véritable résistance. Ils ont mis en lumière le rôle de deux enzymes – baptisées LD-transpeptidases - qui remodèlent l'enveloppe cellulaire pour favoriser sa survie lors d'un traitement antibiotique. Les chercheurs espèrent par la suite trouver de nouvelles cibles à la surface cellulaire pour les antibiotiques à attaquer, renforçant ainsi la puissance des médicaments existants contre les infections à A. baumannii.

Les bactéries résistantes aux médicaments ont poussé les professionnels de santé à utiliser des thérapies où plusieurs médicaments sont utilisés pour traiter les infections bactériennes. “Mais même ces méthodes deviennent de plus en plus inefficaces, déplore Joseph Boll. C'est devenu un jeu. Les chercheurs découvrent un nouvel antimicrobien, puis les bactéries y deviennent résistantes. Nous sommes à court d'options. La résistance bactérienne dépasse rapidement le développement de nouveaux antibiotiques.”