ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Bégaiement : le rôle de la pression sociale

Trouble de la parole

Bégaiement : le rôle de la pression sociale

Par Jean-Guillaume Bayard

La perception d'être entendu par un auditeur joue un rôle clé dans le bégaiement d'une personne.

Tero Vesalainen/iStock
MOTS-CLÉS :
Les personnes atteintes de bégaiement ne présentent pas de trouble de la parole lors de “parole seule”, c’est-à-dire lorsqu’elles sont seules.
La simple perception d'être entendu par un auditeur déclencherait leur bégaiement.
La potentialité d’un auditeur introduit la possibilité que le locuteur soit évalué socialement.

Environ un tiers des personnes bègues présenteraient un trouble d’anxiété sociale. Cette pression sociale est fortement ressentie par les personnes qui bégayent, au point qu’elle pourrait même en être l’élément déclencheur. C’est ce que suggèrent des chercheurs américains de l’université de New York Steinhardt dans une étude parue le 9 septembre dans le Journal of Fluency Disorders.

Seules, les personnes bègues ont une parole fluide

Les chercheurs estiment que les personnes atteintes de bégaiement ne présentent pas de trouble de la parole lors de “parole seule”, c’est-à-dire lorsqu’elles sont seules. La simple perception d'être entendu par un auditeur déclencherait leur bégaiement. “Il existe de nombreuses preuves anecdotiques que les personnes qui bégaient ne bégaient pas lorsqu'elles parlent seules, mais ce phénomène n'a pas été confirmé en laboratoire, principalement parce qu'il est difficile de créer des conditions dans lesquelles les gens croient qu'ils sont vraiment seuls”, ajoute le professeur Eric S. Jackson, auteur principal de l’atude.

Pour vérifier cette théorie, les chercheurs ont mené des expériences sur 24 adultes bègues. Ils les ont évalués dans cinq conditions différentes : pendant un discours conversationnel, une lecture à haute voix, un discours privé dans lequel les participants devaient penser que personne n'écoutait, la répétition du discours privé pour deux auditeurs et un discours spontané. À l'exception du discours privé, toutes les conditions impliquaient que les participants parlent ou lisent aux autres.

La peur d’être jugé

Résultats : pendant le discours privé a été la seule condition dans laquelle les cas de bégaiement ont été inexistants. “Nous avons développé une nouvelle méthode pour convaincre les participants qu'ils sont seuls - que leur discours ne serait pas entendu par un auditeur - et avons constaté que les adultes bègues ne bégaient pas dans ces conditions, a constaté Eric S. Jackson. Je pense que cela prouve que le bégaiement n'est pas seulement un problème de ‘parole’, mais qu'à la base il doit y avoir une forte composante sociale.”

Pour les auteurs de l’étude, la simple potentialité d’un auditeur introduit la possibilité que le locuteur soit évalué socialement. Lorsqu'un locuteur parle en privé, il n'y a pas de composante sociale et, par conséquent, il n'est pas concerné par la perception ou le jugement. Pour les chercheurs, la prochaine étape consiste à mener des études sur les enfants afin de comprendre comment se construit et s’influence le bégaiement.