ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Les greffes, victimes collatérales de la pandémie

Crise sanitaire

Les greffes, victimes collatérales de la pandémie

Par Jean-Guillaume Bayard

En 2020, l’activité de transplantation d’organes a chuté de près de 16 % par rapport à 2019, occasionnant plus de 48 000 années de vie perdues.

BulentBARIS/iStock
Pendant la première vague, la baisse du nombre de greffes est allée jusqu’à 31%.
Il y a eu 11 253 transplantations en moins sur l’année 2020.
Les greffes de rein ont été les plus touchés (− 19,1 %), devant les transplantations de poumon (− 15,5 %) et de foie (− 10,5 %).

Les efforts hospitaliers requis pour lutter contre la Covid-19 n’ont pas été sans conséquence pour les autres patients. Les transplantations d’organes sont parmi les opérations les plus touchées. Une nouvelle étude, publiée le 30 août dans la revue The Lancet Public Health, affirme que le nombre de greffes a chuté de 16% en 2020 par rapport à 2019. Une baisse importante qui aurait engendré plus de 48 000 années de vie perdues chez les patients concernés.

31% de greffes en moins pendant la première vague

Pour l’étude, les chercheurs ont comparé le nombre de greffes d’organes (rein, foie, cœur et poumon) de l’année 2020 à celle de l’année précédente dans 22 pays dont 16 européens, deux nord-américains, trois sud-américain et le Japon. Pris ensemble, ces pays représentent environ 62 % de l’activité mondiale de transplantation. Alors que le nombre de greffes augmentent habituellement chaque année, entre 5% et 10%, il y a eu 11 253 transplantations en moins sur l’année 2020, soit une chute de 16%.

Pendant la première vague, la baisse du nombre de greffes est allée jusqu’à 31%. “C’est surtout pendant la première vague que les activités de transplantation ont chuté drastiquement, mais elles ne sont pas encore revenues à la normale et il faudra pour cela sans doute plusieurs années”, a affirmé le professeur Alexandre Loupy, néphrologue, directeur du Centre de recherche translationnelle pour la transplantation d’organes à l’Inserm, et auteur principal de l’étude.

Les greffes de rein sont les principales concernées

Les greffes de rein ont été les plus touchés (− 19,1 %). Cela s’explique notamment par la possibilité de pouvoir les différer grâce à la dialyse. Derrière, on trouve les transplantations de poumon (− 15,5 %) et de foie (− 10,5 %). Le recul le plus faible s’est observé sur les greffes cardiaques (− 5,5 %), souvent les plus urgentes. Pour les patients, les chercheurs ont calculé que ce retrait a engendré un cumul de quelque 48 239 années de vie, dont 37 664 pour les malades du rein.

Les chercheurs relèvent des disparités entre les pays étudiés, les amenant à les diviser en trois catégories. Il y a d’abord ceux où l’activité de transplantation a chuté alors même que le nombre de décès dus au Covid était peu élevé. Cela concerne l’Argentine, le Chili et le Japon. Il y a ensuite ceux où la baisse des greffes a baissé concomitamment aux décès par Covid. La majorité des pays, dont la France, se trouvent dans ce cas de figure. Enfin, il y a ceux où l’activité de greffe a peu diminué alors que le pays a été très touché par le virus. Les États-Unis, l’Italie, la Suisse, la Slovénie et la Belgique sont parmi les pays concernés.

Vers une plus grande coopération internationale ?

Cette crise pourrait avoir pour conséquence une plus grande coopération internationale pour les transplantations. “Jusqu’ici, les transplantations étaient très bien organisées à l’échelle des pays, mais il y avait peu de réelles collaborations internationales et d’échanges de données, souligne Alexandre Loupy. La pandémie a été l’occasion de créer un observatoire unique piloté par notre centre, qui va se maintenir sur le long terme. Ce réseau va nous permettre de partager nos données, d’apprendre les uns des autres et de s’organiser pour faire face à d’autres crises.