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Sélection naturelle

Quelle que soit leur espèce, les mâles la protègent des mauvaises mutations génétiques

Par Charlotte Arce

Si les hommes sont si nombreux sur Terre alors que quelques-uns suffisent à assurer les générations futures, c’est qu’ils permettent d’éliminer les mutations génétiques défectueuses, révèle une nouvelle étude.

Christoph Burgstedt/iStock
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Bien que femelles et mâles soient porteurs de mutations génétiques, les effets de ces dernières ne se manifestent que sur la condition physique des mâles.
Cela signifie que, pour éliminer plus rapidement et efficacement les mutations génétiques, la majorité des espèces animales procèdent à une sélection naturelle via les mâles.

Chez de nombreuses espèces animales, dont l’espèce humaine, seule une poignée de mâles pourraient suffire pour féconder toutes les femelles et ainsi assurer le renouvellement des générations. Pourquoi alors naissent-ils si nombreux, au détriment des femelles ?

Des chercheurs de l’université d’Uppsala (Suède) apportent une nouvelle réponse. Dans une étude publiée dans la revue scientifique Evolution Letters, ils démontrent qu’une population mâle importante permet d’éliminer les mauvaises mutations génétiques de la population. Ce qui, à terme, a des conséquences génétiques sur la sélection sexuelle.

Des mutations présentes mais non détectables chez les femelles

Pour mener leurs travaux, les chercheurs se sont appuyés sur la théorie selon laquelle, chez de nombreuses espèces animales, la concurrence acharnée entre les mâles pour féconder les femelles entraîne l'élimination sélective des individus présentant de nombreuses mutations délétères, ce qui les empêche de transmettre lesdites mutations. Cette sélection a des effets positifs à long terme sur la croissance et la persistance d'une population qui se reproduit sexuellement.

Ils l’ont ensuite vérifiée en utilisant 16 souches génétiques de scarabée des semences (Callosobruchus maculatus). Leur but était d’étudier comment le nombre présumé de mutations délétères dans chacune d'elles affectait la capacité de reproduction (fitness) des femelles et des mâles. Les scientifiques ont suivi des souches marquées par une forte consanguinité, ce qui leur a permis de de quantifier les effets cumulatifs de l'ensemble unique de mutations de chaque souche. En comparant les souches consanguines aux croisements entre elles, ils ont alors pu constater que ces mutations nuisaient presque également aux femelles et aux mâles. Cependant, les effets des mutations ne se manifestaient que sur la condition physique des mâles. Chez les femelles, les effets délétères des mutations qu'elles portaient n'étaient pas détectables dans ce contexte génétiquement plus variable. Elles ne seraient donc pas éliminées efficacement par une sélection spécifique aux femelles dans la nature.

"Cela indique que, bien que ces mutations aient un effet néfaste sur la reproduction des femelles, elles sont éliminées plus efficacement de la population par une sélection agissant sur les porteurs mâles que sur les porteurs femelles", souligne Karl Grieshop, biologiste de l'évolution à l'université canadienne de Toronto et auteur principal de l'étude.

Une élimination plus rapide des gènes délétères par les mâles

Selon les auteurs de l’étude, ces nouveaux travaux apportent un nouvel éclairage sur la vieille question de savoir pourquoi tant d'organismes multicellulaires ont recours à la reproduction sexuée.

"La production de mâles entraîne une diminution de la capacité de reproduction d'une espèce, puisque les mâles eux-mêmes contribuent moins que les femelles à la production de la progéniture. La question est donc de savoir pourquoi une espèce évolue pour se reproduire sexuellement, au lieu de se contenter de produire des femelles par reproduction asexuée. Notre étude montre que la production de mâles, qui peuvent se livrer à une concurrence intense pour avoir la chance de s'accoupler, permet d'éliminer plus rapidement les mutations délétères de la population, ce qui pourrait ainsi permettre de disposer d'un ensemble de gènes plus sains et d'une capacité de reproduction plus élevée par rapport à la reproduction asexuée", conclut David Berger, chercheur et chef d'équipe au département d'écologie et de génétique de l'université d'Uppsala.