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QUESTION D'ACTU

Journée Mondiale de l'hypertension le 17 mai

HTA et confinement : «L'amélioration de la situation des patients équivaut à la moitié de ce que l'on obtient avec un traitement !»

Le lundi 17 mai sera la journée mondiale de l'hypertension, un mal qui touche plus d'un adulte sur trois en France, un patient sur deux n'étant pas traité. A cette occasion, Pourquoi Docteur a interrogé le Pr Jean-Jacques Mourad qui exerce à l'hôpital St Joseph à Paris et qui a participé à une étude sur l'hypertension durant le confinement du printemps 2020 dont les résultats sont parfois surprenants !

HTA et confinement : \ adrian825/iStock




- Pourquoi Docteur : Une étude qui doit être présentée le 17 mai pour la journée de l’hypertension artérielle établit un lien entre la baisse des cas d’infarctus et d’AVC durant le confinement du printemps 2020 et la situation des personnes souffrant d’hypertension. Sur quels éléments repose-t-elle ?

Pr Jean-Jacques Mourad : Plusieurs équipes européennes et américaines ont noté que pendant les périodes de confinement, on a assisté à une diminution drastique des entrées en unités de soins intensifs cardiologiques pour syndromes coronariens aigus mais également pour accidents vasculaires cérébraux.

Pour la France, il y a eu une analyse très précise publiée dans le Lancet qui a montré que pendant la période du premier confinement il y a eu 30% de moins d’hospitalisations pour infarctus du myocarde. Plusieurs explications ont été apportées : les hésitations des patients à venir à l’hôpital en période d’épidémie, une difficulté de déplacement en raison de l’arrêt de nombreux transports publics, certains ont dit que les gens, en raison de la peur attachée aux comorbidités, ont été plus adhérents à leurs traitements de maladies chroniques, on a évoqué la diminution de la pollution de l’air et on connait l’impact de ce facteur de risque sur les infarctus, et certains ont dit aussi, et je pense que c’est vrai dans une majorité de pays dont la France que le premier confinement a été plutôt bien vécu d’un point de vue psychologique avec notamment une diminution du stress professionnel induit par le présentiel et tout ce qui va avec, les transports les embouteillages, etc…

- Mais comment le lien entre ce constat et de sujet de l’hypertension a-t-il été établi ?

C’est vrai que dans ces hypothèses qui étaient très observationnelles, il y avait peu de données accessibles pour voir comment évoluaient les facteurs de risque traditionnels d’un accident vasculaire cérébral ou d’un infarctus du myocarde, comme par exemple l’hypertension artérielle. On avait peu d’informations concernant l’évolution de ces facteurs de risque à court terme dans la vie réelle. On s’est posé cette question très rapidement après les premiers constats sur la diminution du nombre des hospitalisations pour infarctus du myocarde et des AVC en Ile de France en se disant qu’il y avait peut-être une autre explication que celle qui était dominante à ce moment-là qui était de dire que les gens mourraient à la maison !

Et comme on croise aujourd’hui dans le domaine de l’hypertension beaucoup de patients qui ont des outils connectés, on s’est demandé si les providers de ces outils connectés et de leurs applications ne pouvaient pas nous apporter une réponse de santé publique à ce qui s’était passé dans la vie de ces détenteurs d’objets connectés sur leur pression artérielle au cours du premier confinement de 2020.

- Comment s’est faire cette analyse de l’évolution de la situation des hypertendus ?

Nous avons demandé à ces providers s’ils étaient capables de nous donner des réponses. Ils nous ont dit oui, ce qui était déjà une information importante, et nous les avons interrogés sur des utilisateurs réguliers de tensiomètres connectés, vivant dans la région parisienne -c’est une zone dans laquelle le confinement du printemps 2020 a été particulièrement respecté- et qui avaient l’habitude de l’usage de ces outils connectés avant le confinement à travers une utilisation au moins une fois par semaine durant l’année 2019 et bien sûr dans les premiers mois de 2020 pour mesurer des évolutions fiables.

Nous avons eu plus de 2 200 utilisateurs en Ile de France qui répondaient à ces critères et nous avons pu recueillir près de 300 000 mesures de pression artérielle sur toutes les périodes concernées. Et nous avons constaté de manière assez claire que la période de confinement du printemps 2020 en Ile de France était associée à une diminution progressive et rapide, de l’ordre de plus de 3mm de mercure pour la pression systolique et un peu moins pour la diastolique, l’âge et le sexe n’ayant pas d’interaction avec cette baisse, ce qui représente à peu près la moitié de ce qui est obtenu avec un médicament contre l’hypertension !

Ce travail confirme une baisse de la pression artérielle durant les périodes de confinement, baisse qui a été depuis confirmée dans d’autres études. Et quand on projette les conséquences cliniques d’une baisse de 3mm de mercure à court terme dans un essai thérapeutique, on a des essais de référence qui montrent que cette baisse de la tension artérielle correspond à une diminution d’environ 17% des AVC, de 11% pour les infarctus et de 10% pour la mortalité totale.

- Quelles raisons expliquent cet effet, un peu inattendu, du confinement ?

Vous mettez dedans un package qui comporte moins de stress professionnel qui compense largement le stress du confinement, probablement une meilleure adhésion aux traitements, peut-être du mieux manger, peut-être davantage d’activité physique sur les temps de liberté qui étaient autorisés, je pense que c’est un cumul sans qu’il y ait un facteur déterminant.

- Ce travail à partir de données en vie réelle devrait-il être étendu à d’autres sujets de santé publique ?

La deuxième grande information retirée de ce travail, et qui va déboucher sur de nouvelles recherches utilisant ces bases de données, c’est qu’aujourd’hui les objets connectés donnent une source d’informations en temps réel jusqu’à présent très peu utilisées qui devraient intéresser tous les acteurs de santé publique pour suivre en temps réel certains facteurs de risque majeurs, au même titre que le Covid dans les eaux usées, ou les taux de pollution dans l’air.

Aujourd’hui, avoir dans une population, et sans vouloir faire le « big brother » et à des fins scientifiques, le nombre de pas, le poids, la pression artérielle et tout cela en vie réelle, cela peut aider à la recherche clinique en apportant autant d’enseignements complémentaires que ceux observés dans un essai randomisé.

- Est-il vrai que dans la mesure de l’hypertension, l’effet « blouse blanche » peut être trompeur ?

Les recommandations aujourd’hui sont unanimes, et les Français ont été pionniers depuis plus de 15 ans dans ce domaine, pour dire que les pressions artérielles mesurées par le patient à la maison sont bien plus fiables dans la prédiction du risque associé à la tension artérielle que toute mesure effectuée au cabinet médical par un médecin.

- Au-delà de la possibilité de mesurer sa tension artérielle, comment ces dispositifs peuvent améliorer le suivi des patients ?

Sur le fait que les possesseurs d’appareils connectés suivraient mieux leurs traitements, ce que certains affirment et qui serait une question de bon sens, nous n’avons pas d’éléments de preuve assez solides. En revanche, c’est typiquement une maladie chronique qui se prête très bien à la téléconsultation qui, elle permet un suivi beaucoup plus facile, mais à la condition unique que les patients puissent effectivement mesurer leur tension à ma maison, sinon cela n’a aucun sens !

- Pour une meilleure prise en charge de l’hypertension -un patient sur deux en France ne serait pas traité- devrait-on aller vers un remboursement de ces dispositifs par l’Assurance Maladie ?

Aujourd’hui ces appareils sont très largement utilisés sans prise en charge. On a plus de 5 millions d’utilisateurs en France, c’est-à-dire que plus de la moitié des hypertendus ont un appareil tensiomètre. Ces appareils ne sont pas très chers dans leur version de base et il n’est pas utile de payer très cher un appareil très sophistiqué pour avoir une information sur le niveau tensionnel.

La question posée, et à l’instar de ce qui est observé par exemple pour le diabète qui est une maladie prise en charge à 100% pour tous ses aspects de diagnostic comme de traitement, et je vous rappelle que l’hypertension l’était dans ses formes sévères jusqu’en 2012 avant d’être retirée de l’ALD, aujourd’hui le remboursement éventuel des appareils d’auto-mesure, pour moi, ne peut s’inscrire que dans une prise en charge plus sérieuse de l’hypertension dans ses formes sévères ou résistantes, c’est à dire d’associer le remboursement des appareils d’auto mesure et de les dédier aux hypertendus les plus sévères qui vont aussi nécessiter une prise en charge à 100% de leurs médicaments, de leurs recours à l’hospitalisation et aux spécialistes qu’ils sont amenés à consulter.

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