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Entretien

Annonce d’un cancer du sein : comment encaisser le choc

Par Mathilde Debry

Choc, colère, tristesse... Pas facile d'apprendre que l'on est atteinte d'un cancer du sein. A l'occasion d'Octobre Rose, les docteures Noémie Lotersztajn (gynécologue spécialisée en oncologie) et Sophie Béranger (radiologue) reviennent sur les enjeux de la consultation d'annonce.

Tomas Ragina/iStock
Pourquoi docteur - Quelles sont les principales réactions des femmes pendant vos consultations d’annonce ?

Dr Noémie Lotersztajn - A l’annonce de leur cancer du sein, beaucoup de femmes vont digresser sur des sujets complètement différents, comme leur dernière séance de yoga ou leur prochain shopping par exemple. Une fois l’état de choc passé, beaucoup vont ressentir de la colère, d’autres de la tristesse.

Les réactions dépendent aussi de ce que les patientes ont entendu avant, notamment au niveau de la radiologie. Si elles s’attendent à ce que le médecin prononce le mot cancer, elles sont moins choquées, on peut axer l’entretien sur la prise en charge et les informations positives. En cancéro-mammaire, la survie au cancer du sein est de 90%, donc ça adoucit généralement le choc initial.

Après, il existe plein de profils de patientes possibles, donc de multiples réactions à l’annonce d’un cancer du sein.

Leur conseillez-vous de venir plutôt seules ou accompagnées ?

Dr Noémie Lotersztajn - Nous conseillons aux femmes de venir plutôt accompagnées, pour pouvoir mieux encaisser le choc, et avoir quelqu’un à la maison qui puisse leur répéter les informations. Lors d’une consultation d’annonce, la patiente ne retient que 10% des informations données par le médecin, car elle se focalise sur le mot "cancer".

Quels doivent être les premiers réflexes d’une femme malade après une consultation d’annonce ?

Dr Noémie Lotersztajn - En sortant de la consultation, les patientes vont se poser plein de questions. Je leur conseille de les noter, pour qu’elles puissent les adresser à l’infirmière ou au médecin lors du prochain entretien.

Comment annonce-t-on au mieux à une femme qu’elle souffre d’un cancer du sein ?

Dr Noémie Lotersztajn - En consultation d’annonce, le mot "cancer" doit être impérativement prononcé. Après, il faut utiliser des mots simples, être à l’écoute de la patiente, la laisser parler, la laisser poser des questions et, d’une manière générale, bien prendre le temps de faire la consultation. Une fois que la patiente a fini de s’exprimer, on peut commencer à donner des informations. L’entretien ne doit pas être guidé uniquement par le médecin, mais aussi par la malade.

Dr Sophie Béranger - Au niveau de la radiologie, tout dépend du degré de suspicion. S'il est faible, on ne prononce pas le mot cancer, on laisse la patiente poser des questions, et on lui répond sans lui mentir. Si le risque de cancer du sein est important, on va lui expliquer avant la consultation d’annonce que la radio est suspecte, pour commencer à préparer la patiente. Après, il faut s’adapter à chaque femme : si on voit qu’elle n’a pas envie d’entendre le mot "cancer", on ne lui martèle pas, on attend qu’elle soit prête à recevoir l’information.

Y a-t-il eu des progrès sur la consultation d’annonce ?

Dr Noémie Lotersztajn - Il y a eu de grands progrès suite au plan cancer mis en place en 2006, qui a posé un cadre. Avant cela, tout était fait de manière hétérogène. Il y a désormais plusieurs étapes qui sont nécessaires et obligatoires dans une consultation d’annonce, dont le temps d’annonce paramédical, qui permet de répéter les informations et de bien vérifier avec la patiente qu’elle a compris la situation.

Y a-t-il encore des choses à améliorer ?

Dr Noémie Lotersztajn - Il y a encore des progrès à faire au niveau de la formation des professionnels de santé. Personnellement, la consultation d’annonce ne faisait pas partie de mon cursus, et j’aurais bien aimé pouvoir bénéficier d’un retour d’expérience pendant quelques heures, notamment pour savoir comment s’adapter à chaque patiente.

La consultation d’annonce est-elle un exercice difficile pour un médecin ?

Dr Noemie Lotersztajn - Oui, toujours.

Dr Sophie Béranger - C’est un exercice compliqué, auquel on ne s’habitue jamais.