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Cellules

Pourquoi réagissons-nous différemment aux médicaments ?

Par Amanda Breuer-Rivera

Des chercheurs américains ont étudié les protéines régulant en partie le mécanisme de communication des cellules. Après avoir répertorié l'ensemble des différentes catégories de protéines agissantes ainsi que leurs rôles, ils pensent avoir découvert la raison pour laquelle des personnes peuvent parfois réagir différemment à un même médicament.

Maksim Tkachenko/iStock
Des chercheurs américains ont analysé sous toutes les coutures la protéine RGS qui inhibe les messagers "protéines G" dans une partie du mécanisme de transmission des informations à l'intérieur des cellules.
Ils ont découvert que ces protéines RGS se divisaient par différents rôles entres elles mais qu'elles pouvaient aussi varier d'une personne à une autre.
Ils pensent que certaines de ces variations génétiques peuvent perturber leur bon fonctionnement provoquer ainsi des maladies ou mal réagir à un médicament.

Pourquoi ne réagissons-nous pas tous de la même manière à la prise d'un même médicament ? Les scientifiques de l'Institut de recherche Scripps (Californie, États-Unis) pensent avoir partiellement levé ce mystère en décortiquant une partie du mécanisme de communication des cellules. Dans une étude publiée le 1er octobre dans la revue Cell, ils ont cartographié de manière exhaustive la façon dont les protéines RGS (régulatrices de la protéine G) agissent sur une famille de récepteurs de surface cellulaire nommée “récepteur couplé aux protéines G” (RCPG) qui traite l'information puis dicte la façon dont la cellule doit se comporter. Ces chercheurs concluent que c'est probablement la diversité de ces protéines RGS, découvertes il y a environ 25 ans, qui pourrait expliquer les réactions différentes à la stimulation d'un même récepteur.

Une avancée importante pour la médecine puisque plus du tiers des médicaments commercialisés aux États-Unis agit sur ces RCPG. Ces récepteurs contrôlent des centaines de fonctions importantes sur les cellules de tout le corps et sont impliqués dans de nombreuses maladies comme des problèmes cardiaques, des troubles de la vision ou de l'humeur. “Avant de pouvoir réparer les choses, vous devez savoir comment elles sont cassées et comment elles fonctionnent normalement, et dans cette étude, c'est essentiellement ce que nous avons fait pour ces importantes protéines régulatrices, explicite le professeur Kirill Martemyanov, auteur principal de l'étude et président du département de neurosciences du campus de l'Institut de recherche Scripps en Floride. 

Infimes variations des protéines RGS et G

Lorsque ces RCPG sont stimulés par des hormones ou des neurotransmetteurs, ils activent des protéines porteuses de signaux nommées “protéines G”. Celles-ci déclenchent alors des cascades de signalisation dans leurs cellules hôtes. Or, les protéines RGS étudiées et cartographiées par les chercheurs américains inhibent ces petits messagers et empêchent cette cascade de signalisation. Ce bref silence communicationnel permet aux cellules de se “réinitialiser” afin d'accepter de nouveaux ordres. Une petite pause qui évite la surchauffe cellulaire. “Plus tôt dans ma carrière, j'ai étudié la perte de ces RGS dans les cellules de détection de la lumière dans la rétine, se remémore Kirill Martemyanov. Les patients nés avec cette maladie ne peuvent pas arrêter de percevoir la lumière, même lorsqu'ils entrent dans une pièce sombre, et ils ne peuvent non plus bien suivre les objets en mouvement car ils n'ont pas le taux de rafraîchissement visuel normal. Imaginez à quel point cette perte de RGS peut être dévastatrice dans des cellules du cœur ou du cerveau où le timing est si important.”

Certaines protéines RGS avaient déjà été étudiées, cependant dans cette nouvelle étude, Kirill Martemyanov et son équipe ont minutieusement analysé l'ensemble des 20 différentes protéines RGS connues dans les cellules humaines. Ils se sont notamment penchés sur la manière dont chacune reconnaît et régule avec précision leurs interlocutrices protéines G. Mécaniquement, ce travail a permis aux chercheurs de répertorier la façon dont les signaux RCPG sont diffusés dans les cellules. “Cette reconnaissance fine des différentes catégories de protéines G s'avère être effectuée par quelques éléments de chaque protéine RGS, des éléments organisés selon un modèle ressemblant à un code-barres”, explique Ikuo Masuho, premier auteur de l'étude et doctorant au laboratoire du professeur Kirill Martemyanov.

Mutations génétiques

Or, si les protéines RGS varient entres elle pour activer différentes protéines G, il arrive également que les protéines RGS d'une même catégorie se différencient d'une personne à une autre. C'est cette découverte surprenante qu'ont réalisé les chercheurs en analysant le génome de plus de 100 000 personnes. Ces mutations peuvent concerner ces régions “codes-barres et perturber ainsi cette reconnaissance fine nécessaire pour l'inhibition de la bonne protéine G. Cette perturbation génétique peut mener les protéines RGS à ne pas agir alors qu'elles le devrait ou même à sélectionner par erreur une autre protéine G. Ils ont ainsi pu identifier la mutation RGS16 liée à l'insomnie qui n'arrive plus à reconnaitre la bonne protéine G. “Il est clair que la variation génétique dans les régions de codes-barres RGS a le potentiel de perturber la signalisation RCPG normale de la cellule, voire de provoquer des maladies ou de créer des différences subtiles", explique Kirill Martemyanov. Par exemple, cela peut aider à expliquer pourquoi différentes personnes traitées avec le même médicament ciblant le GPCR diffèrent souvent considérablement dans leurs réponses.”

Kirill Martemyanov et son équipe ont également découvert que ces mutations dans les régions de codes-barres des protéines RGS mais aussi des protéines G évoluent constamment. Ainsi, en analysant le génome de différentes espèces, ils ont reconstruit grossièrement des protéines RGS “ancestrales”. À partir de ces découvertes, ils ont conçu les principes de l'élaboration d'une protéine RGS “modélisatrice” pouvant réguler un ensemble souhaité de protéines G. Ces mêmes principes pourraient guider le développement de médicaments ciblant les protéines RGS à des fins thérapeutiques.