ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Covid -19 en Afrique : un faux calme selon l'OMS

Monde

Covid -19 en Afrique : un faux calme selon l'OMS

Par Amanda Breuer-Rivera

Le continent africain, jusqu'à présent épargné par la pandémie, retient son souffle. Le nombre de cas augmente et l'OMS appelle les États à maintenir les restrictions malgré un relâchement dans les différentes sociétés du continent.

Adeyinka Yusuf/iStock

L'Afrique est-elle réellement épargnée par la Covid-19 ? Selon le dernier rapport du 23 juin du bureau africain de l'OMS, le continent recense 236 909 cas avérés de la maladie ainsi que 5 257 décès - soit un peu moins que l'ensemble des cas recensés en Italie et un nombre de mort inférieur à celui de la Suède. Malgré ce bilan extrêmement positif pour ce continent composé de plus d'1 milliard d'habitants, l'OMS appelle les 47 pays qu'elle observe à poursuivre leurs efforts.

"La pandémie de Covid-19 continue d'évoluer dans la région africaine avec une augmentation rapide des nouveaux cas et des morts quoique de manière disproportionnée entre les pays, analyse l'organisation internationale. De multiples gouvernements assouplissent de manière graduelle les restrictions des confinements dont la réouverture des commerces et des écoles. Cependant les restrictions de franchissement des frontières et des opérations aéroportuaires maintiennent leurs effets. Les pays doivent poursuivre la mise en œuvre de politique de santé publique afin de ralentir cette rapide augmentation du nombre de cas."

L'épidémie gagne en vigueur de façon très marquée dans certains pays. "Depuis le rapport du 17 juin dernier, 51 839 nouveaux cas ont été observés - soit une augmentation de 28% - dans 44 pays, analyse l'organisation internationale. Sur ces 51 839 nouveaux cas régionaux plus de moitié - 57% - soit 29 774 ont été enregistrés en Afrique du Sud." Elle progresse de manière rapide également en Namibie  (+112%, de 34 à 72 cas), Mauritanie (+65%, de 1 887 à  3121 cas), Bénin (+60%, de 532 à 850 cas), Botswana (+48%, de 60 à 89 cas) et Malawi (+42%, de 564 à 803 cas). Les pays les plus touchés par la pandémie sont : l'Afrique du sud (106 108 cas pour 2 102 décès), le Nigeria (21 371 cas pour 533 trépas), le Ghana (14 568 cas pour 95 morts), Algérie (12 076 cas pour 861 décès), le Cameroun (12 041 cas pour 308 morts).

L'OMS note dans certains pays un taux de mortalité bien au-dessus de la moyenne (2,6% sur le continent africain). C'est notamment le cas au Tchad - qui est en train d'installer sa surveillance de mortalité - (8,6%), Algérie (7,1%), Niger (6,4%), Burkina Faso (5,9%), et le Mali (5,6%). Des chiffres supérieurs à la moyenne mondiale de 5%.

Interrogations et surveillance

Comment expliquer que l'Afrique soit si peu touchée ? De nombreuses hypothèses s'échangent autour de ce mystère. "Il y a certes une faiblesse dans le testing, qu’on a aussi observée dans des pays ayant beaucoup plus de ressources. Mais on a aujourd’hui suffisamment de recul pour lier le faible nombre de cas à d’autres facteurs : jeunesse de la population [NDLR : l'âge médian en 2012 sur le continent était de 20 ans], faible urbanisation, moins de brassage intra- et inter-urbain, plus grande précocité dans la prise des mesures de protection… Je suis affirmatif sur ce point", assure Dr Moumouni Kinda, directeur des opérations de l’organisation non gouvernementale ALIMA, en poste au Sénégal sur Jeune Afrique. À cela s'ajoute parfois une absence de peur par manque de cas autour de soi et donc un recours au soin évité ou tardif, selon Le Monde, ou alors la peur d'être discriminé notamment en Libye selon RFI.

Des morts cachés ?

Y a-t-il des morts cachés ? La directrice des opérations de Médecins sans frontières (MSF) et coordinatrice mondiale sur le Covid-19 s’est également aussi posé. "Nous avons mené une enquête à Kano, ville du nord du Nigeria où nous avaient été relayées des morts suspectes, raconte Isabelle Defourny. Mais nous n’avons pas pu a posteriori travailler sur les causes des décès et, si nous avons bien observé un surcroît d’enterrements dans les cimetières de la ville, il faut prendre en compte le fait que, durant l’épidémie, les corps n’étaient plus rapatriés vers les villages ", précise-t-elle au Monde. Par manque de visibilité elle exclut au Monde d’"être passée à côté d’un vrai surcroît de décès". Pour la directrice de l’Institut Pasteur au Cameroun Elisabeth Carniel, l'environnement en Afrique ne peut être comparé aux pays tempérés : "nous sommes sur des schémas de progression du virus très différents de ceux qu’ont connus l’Europe ou les États-Unis. En dépit d’un nombre de cas qui augmente plus rapidement que dans les mois précédents, nos courbes ne ressemblent en rien à celles des autres continents", assure-t-elle au Monde.